Femmes de lettres engagées

Christine de Pizan (1364)

Destin croisé dans les pages de « La femme au temps des cathédrales » de Régine Pernoud, aux tous débuts de ma recherche sur les éclipsées.
Le décès de son époux la jette dans de grands soucis financiers. Contrairement aux conventions de l’époque, ni elle ne se remarie, ni ne rentre au couvent. En 1405, publication de « La Cité des dames », dit premier livre féministe de l’histoire de la littérature française. Avec finesse et humour, elle s’appuie sur des textes antiques et la Bible, afin d’introduire chacun de ses propos et de contourner la censure. Ses textes et arguments sont cités à toutes les époques, et ses manuscrits richement enluminés signe de sa notoriété.
Phrase marquante : « …je suis navrée et outrée d’entendre des hommes répéter que les femmes veulent être violées et qu’il ne leur déplaît point d’être forcées, même si elles s’en défendent tout haut. Car je ne saurais croire qu’elles prennent plaisir à une telle abomination. »

(Sources : « La Cité de dames ». Éditions Stock / Moyen Age ©1986. Site de la BnF.)

Moderata Fonte (1555)

Cherchant toujours à ancrer localement mes expositions, je me plonge dans les femmes vénitiennes lors de la préparation et je repère l’une d’elles, Moderata.
Femme de lettres vénitienne, reconnue comme l’une des pionnières du féminisme. Son ouvrage « Le mérite des femmes », paru en 1600, dépeint sept femmes : la veuve, la mariée, la célibataire, la jeune mariée, la vierge et les anciennes qui accusent, défendent et arbitrent avec humour et perspicacité sur la place des femmes dans la société de leur temps. Cette publication eut une large influence en Italie et en Europe durant la Renaissance et inspira des œuvres consacrées à la dignité et l’excellence des femmes. La Toscane et la Vénétie sont de véritables terreaux d’écritures féminines dans l’Italie du XVIe siècle
Phrase marquante : « Me remarier, moi ? répondit l’autre. Plutôt me noyer que me soumettre de nouveau à un homme quel qu’il soit ! Je me suis libérée de ma servitude et de mes peines et vous voudriez que j’aille me jeter une autre fois dans leurs rets, Dieu m’en garde ! »

(Source : « Le mérite des femmes » de Moderata Fonte. Éditions Rue d’Ulm, par Frédérique Verrier)

Madame de Villedieu (1660)

C’est en faisant des recherches tous azimuts sur Madame de Lafayette, qu’une occurrence m’interpelle : « Cette étude doit permettre de reconsidérer l’importance de Mme de Villedieu dans l’histoire du roman et la dette de Mme de Lafayette envers elle. » Intriguée je clique, puis commande plusieurs de ses livres.
Auteure à succès et rare femme de lettres à recevoir une pension de Louis XIV. Elle invente « la nouvelle historique galante », mêlant intrigues amoureuses fictives et récits historiques véritables. Cette forme conduit à proposer une autre version de l’Histoire intégrant le rôle des femmes. À travers ses écrits, elle adresse les questions du viol, des bâtards, de la puissance sociale et financière des époux, des leviers de la séduction, bref de la condition féminine. Entre 1669 et 1673, juste après le décès de son amant Antoine Boësset (« Monsieur de Villedieu », qui ne l’épousera jamais mais dont elle porte le nom), sa production est frénétique avec la publication de sept ouvrages.
Œuvre marquante : « Les Amours des grands hommes » (1671) est une « démolition du héros », où elle fait subir un « traitement décapant aux grands hommes ». Elle accuse les historiens d’avoir enlevé aux « Grands Hommes » leur humanité. Elle écrit : « …je viole le respect dû à la sacrée Antiquité ». Ainsi dans ce livre, Solon qui incarne la foi patriotique, déclenche une guerre avec pour seul but une conquête amoureuse. Elle rend ainsi l’Antiquité accessible à un lectorat féminin, qui n’y aurait sinon pas accès.

(Sources : « Les Amours des grands hommes », société des textes français modernes, 2015. « Les désordres de l’amour » Éditions Payot et Rivage, 2015. « Portrait des faiblesses Humaines » Première édition en 1686 / LEN BnF Gallica. www.theses.fr « Deux fondatrices du roman : Madame de Villedieu (1640-1683) et Madame de Lafayette (1634-1693) : étude comparative » par Gérard Letexier, 1995. www.persee.fr « Énonciation de la fatalité et structure du récit : quelques remarques sur Les Désordres de l’amour et La Princesse de Clèves » par Thérèse Lassalle, 1984)

Gabrielle de Villeneuve (1685)

C’est Jennifer Tamas, auteure de « Au non des femmes » qui me révèle la pensée de Madame de Villeneuve, dans son chapitre « Dans la prison du consentement ou comment la Belle captive la Bête ».
Veuve à 26 ans, ruinée, maitresse d’un dramaturge, elle vient tardivement à l’écriture avec douze ouvrages signés de la seule initiale de son patronyme (Madame de***), ce qui rend leur attribution difficile. Les femmes de la noblesse de l’époque, publiaient souvent sous couvert d’anonymat afin d’éviter déconvenues et procès.
Auteure du célèbre conte de la belle et la bête, sa version publiée anonymement en 1740 a été éclipsée. La version connue, et reprise par Cocteau, est celle de Madame Leprince de Beaumont publiée 16 ans plus tard, version s’arrêtant à mi-chemin, quand l’amour de la Belle délivre la Bête, et effaçant la partie engagée de ce conte.
Œuvre marquante : « La belle et la bête » (1740), ici le monstre est véritable, pourvu d’une trompe, couvert d’écailles, il hurle, n’a pas d’esprit et demande chaque soir abruptement à la Belle : « Voulez-vous que je couche avec vous » (dans le texte). Le château est plus que magique, il ouvre des fenêtres qui permettent à la belle de voyager à travers le monde et de se cultiver en assistant à des représentations de théâtre, d’opéra… Après la transformation du prince, la mère de ce dernier refuse le mariage avec La Belle qui n’est que fille de marchand. Deux points fondamentaux dans cette version : une critique de la société d’ « ordres » et de la soumission des femmes, mais aussi la chair, le désir y sont librement nommés.
Dans son avertissement, comme par besoin de se justifier, elle écrit : « c’est dire assez que je suis femme, (…) lira qui voudra (…) ces six contes, dont le succès, bon ou mauvais, est seul capable de m’engager à les rendre publics, ou à les laisser dans le Cabinet. »

(Sources : « La Belle et la Bête » Éditions Folio Poche, 2010. « Au non des femmes » de Jennifer Tamas, Éditions du Seuil, 2023, collection La couleur des idées.)

Louise Dupin (1706)

C’est un podcast avec Frédéric Marty comme invité qui m’ouvre l’horizon des recherches et manuscrits de Louise Dupin.
Femme éduquée et riche, c’est elle qui apportera fortune à son époux. Ses écrits sont restés inédits. Publier est un acte risqué à l’époque pour une femme en vue. Pourtant, en 1748 dès la parution de « l’Esprits des Lois », elle publie, avec son époux et deux collaborateurs, une réfutation collective afin de dénoncer la misogynie des propos de Montesquieu. Vers 1740, elle lance un ouvrage d’envergure en 4 parties sur la condition féminine : « physique, historique, politique et juridique ». C’est cette approche encyclopédique, à visée panoramique (sous toutes les latitudes et toutes les époques) qui en fait son unicité, ainsi que son sérieux. Elle engagera Rousseau comme secrétaire pendant 8 ans sur ce sujet.
George Sand (née Aurore Dupin) son arrière-petite-fille par alliance, a de source sûre lu les manuscrits de Louise, conservés par les héritiers au Château de Chenonceau pendant deux siècles.
Œuvre marquante : son manuscrit « Des femmes » dont voici quelques titres de chapitres éloquents, au sommaire de la partie juridique : Article 26 : « Des droits dont les femmes ont joui naturellement, des entreprises qui ont été faites contre ces mêmes droits ; de ceux qui leur ont été rendus, lesquels ont été repris par les usurpations modernes » ; Article 30 : « De la puissance du mari, de la faveur que les lois accordent aux femmes mariées et de celles qu’elles pourraient leur accorder. » ; Article 37 : « Du viol »

(Sources : « Des femmes » Éditions Payot et Rivage, 2022. Podcast la Compagnie des œuvres 18 aout 2023, invité Frédéric Marty. « Pourquoi la philosophe Louise Dupin est-elle restée dans l’ombre des Lumières ? »)

Claire de Duras (1777)

En prospection sur l’entourage de Chateaubriand, car souvent hommes célèbres dialoguent avec femmes de talent, je découvre un podcast de Marie-Bénédicte Diethelm qui m’éclaire sur l’œuvre de Claire de Duras. Celle que Chateaubriand appelait « ma sœur ».
Noble, son père est guillotiné en 1793 ce qui emmène Claire en exil à Philadelphie, la Martinique puis Londres, ces pays ouvrent son esprit à l’altérité. La monarchie restaurée, elle rentre en France où elle tient le salon le plus en vue d’Europe, célèbre de la Russie aux États-Unis. Elle est idolâtrée ; les éditeurs l’encouragent et pourtant seuls deux manuscrits seront publiés de son vivant. Talent reconnu, elle doute et note sur ses amis écrivains hommes : « Je les vois tous si sûrs que ce qu’ils font est superbe… Je les envie. »
Œuvre marquante : « Ourika » (1823), 1er roman français raconté du point de vue d’une jeune femme noire, un récit hors du commun, inspiré d’une histoire vraie. À l’approche de l’âge du mariage, cette enfant comprend que « sa couleur l’isolera toujours au sein de la société » dans laquelle elle se pensait intégrée. C’est un succès délirant, véritable « ourikamania » : tout de suite des milliers d’exemplaires, des traductions en anglais, russe, allemand, espagnol et des produits dérivés pour femmes et hommes (tels robes, bijoux, cannes…). Puis oubli.

(Sources : « Ourika – Édouard – Olivier ou le Secret » Éditions Folio Classique, 2007. Et podcast des Hauts-de-Seine sur Claire de Duras « la sœur » avec Marie-Bénédicte Diethelm, 2023. Marie-Bénédicte Diethelm « édite les « Œuvres romanesques » de Claire de Duras aux éditions Folio Classique en 2023. Première édition après 200 ans conservées dans les archives familiales.)

Virginia Woolf (1882)

Une Chambre à soi, nécessité fondamentale, m’était connue depuis l’adolescence. Néanmoins toute sa portée ne résonnait pas encore. Ce fût le premier livre que je relus au commencement de mon projet des femmes éclipsées.
À 24 ans, fragile, déjà orpheline, son frère décède brutalement. Il était sa source d’ouverture et lui présenta son futur mari (et celui de sa sœur) parmi le groupe intellectuel « Bloomsbury » dont le noyau initial fut formé à Cambridge et dont elle devint un pivot. Une série de conférences à Cambridge auprès de jeunes filles, donne naissance à « Une chambre à soi », publiée en 1929. Toute sa vie, la proximité de ses amis et sa famille, sera à la fois soutien et source d’échanges, malgré sa dépression chronique.
Phrase marquante : « Imaginez que les hommes aient toujours été représentés dans la littérature sous l’aspect d’amants de femme et jamais sous celui d’amis d’hommes, de soldats, de penseurs, de rêveurs. »

(Sources : « Virginia Woolf, romans, essais ». Éditions Gallimard, collection Quatro ©2014)

Simone de Beauvoir (1908)

Incontournable, son deuxième sexe, effleuré au lycée, fut ma seconde lecture à l’origine des éclipsées. Je me souvenais qu’elle réveillait dans ses pages de nombreux destins de femmes…
Philosophe et romancière, elle vit en union libre avec Jean-Paul Sartre. Considérée comme une actrice majeure du féminisme, notamment avec son livre « Le Deuxième Sexe » qu’elle publie en 1949. Dans le tome I, elle fait un constat « biologique et historique, puis questionne pourquoi la femme est définie comme l’Autre » et les difficultés qui en découlent. Dans le tome II, elle retrace « comment la femme fait l’apprentissage de sa condition de femme et comment elle l’éprouve ». Elle révèle et réhabilite aussi de nombreuses femmes oubliées, ce qui sera une source féconde pour mes recherches.
Phrase marquante : « La femme c’est la Belle au bois dormant, Peau d’âne, Cendrillon, Blanche Neige, celle qui reçoit et subit. Dans les chansons, dans les contes, on voit le jeune homme partir aventureusement à la recherche de la femme ; il pourfend des dragons, il combat des géants ; elle est enfermée dans une tour, un palais, un jardin, une caverne, enchaînée à un rocher, captive, endormie : elle attend. »

(Source : « Le deuxième sexe, I », « Le deuxième sexe, II ». Éditions Gallimard, collection Folio essais © 1949 et 1976.)

Femmes peintres

Jeanne de Montbaston (vers 1330)

Parmi les trésors du site de la BnF où j’aime à me perdre, apparait le nom de Jeanne de Montbaston.
Elle prête serment en 1353 en tant que « illuminatrix et libraria », et réalise les illustrations d’un grand nombre de manuscrits, dont des exemplaires du « Roman de la rose ». Ce « best-seller » avant la lettre est un long poème écrit au XIIIe siècle par deux auteurs successifs, Guillaume de Lorris et Jean de Meun (Christine de Pizan jugera l’écrit de Meun comme indécent et haineux des femmes). Après la mort de son époux, « libraire-juré » de l’Université de Paris, Jeanne prend la direction de l’atelier, ce qui suggère qu’elle était instruite et lisait le latin.
Œuvre marquante : un manuscrit du « Roman de la rose » illuminé par Jeanne, un parmi plusieurs manuscrits de sa main conservés à la BnF, ce qui dit toute la valeur de son talent. Ses représentations de personnages féminins sont traitées d’égal à égal, avec même leurs visages légèrement plus grands que ceux masculins.

(Sources : https://elles-d-artistes.blogspot.com/search/label/Jeanne%20de%20Montbaston%20%28vers%201330%29– attention inexactitudes quant à un des manuscrits.https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6000307m/f2.item.r=Roman%20de%20la%20Rose%20par%20Jeanne%20de%20M
ontbaston.zoom.
)

Plautilla Nelli (1524)

Mes amis me sachant obsédée par le sujet des femmes éclipsées, dès sa parution, m’est offert l’ouvrage médiatique de Katy Hesse. J’y retrouve nombre de noms d’artistes déjà identifiées, et de nouveaux comme celui de Plautilla Nelli.
Sœur dominicaine, autodidacte et première artiste florentine connue de la Renaissance. Véritable « chef d’entreprise », elle met en place au sein de son couvent un atelier de peinture entièrement féminin, dont les œuvres, vendues à la noblesse florentine locale, assurent l’autosuffisance économique de Santa Caterina di Cafaggio.
Œuvre marquante : « Le dernier souper », (Huile sur bois, environ 7m de long) d’une grande finesse picturale, est considérée comme la première représentation biblique de grand format peinte par une femme. Récemment restaurée grâce à l’aide de AWA (advancing women artists) et la forte médiatisation d’une exposition à la Galerie des Offices, à Florence en 2017. Aujourd’hui visible dans le réfectoire de Santa Maria Novella à Florence, dévoilée en 2019, après 450 ans d’invisibilité.

(Sources : “The story of art without men” by Katy Hesse, Éditions Penguin UK, 2023. The Guardian article.)

Sofonisba Anguissola (1535)

En parcourant des commentaires sur le fameux « Vies des artistes » de Giorgio Vasari, il est dit qu’il accorde un passage à Sofonisba. Cet ouvrage à succès, d’un millier de pages en deux volumes, est paru en mai 1550 à Florence. Il est néanmoins difficile d’en trouver des versions complètes et donc ses mots exacts sur Sofonisba.
Désargenté, son père pousse l’éducation de ses filles et fait rare, Sofonisba entre en apprentissage dans un atelier en Lombardie ; ce qui constitue un précédent. Elle ne peut étudier l’anatomie, inacceptable pour une femme à l’époque, ce qui exclut la peinture historique et la cantonne au portrait. À 25 ans, sur recommandation, elle devient peintre de la Cour d’Espagne et dame de compagnie de la nouvelle Reine. Les pensions reçues de Philippe II, tout au long de sa vie, attestent de sa reconnaissance. Son second mari soutiendra son activité et elle peindra toute sa vie. Michel-Ange et Van Dyck seront élogieux sur son travail.
Œuvre marquante : un autoportrait (Huile sur toile, 110 x 109 cm, pinacothèque de Sienne) comme une mise en abime : Bernardino Campi (son professeur) est en train de finaliser un tableau, qui n’est autre que le portrait de Sofonisba (son élève) ! Dans ses portraits, elle impose un style nouveau, des pauses informelles et beaucoup d’émotions.

(Sources : Mongraphie illustrée par Maria Tsaneva, 2019. Imprimé par Amazon. www.nationalgeographic.fr/histoire)

On her tomb her husband, Orazio Lomellini, placed an inscription: « To Sofonisba, my wife (…) who is remembered among the greatest women of the world, standing out in portraying the images…”

Lavinia Fontana (1552)

En menant mes recherches sur Sofonisba Anguissola, je repère Lavinia, femme peintre exceptionnellement libre, dont je commande immédiatement le catalogue d’une récente exposition en Irlande.
Son père, peintre, sécurise l’avenir financier de la famille sur le talent de sa fille. Fait exceptionnel, un contrat de mariage établi en 1577, stipule que Lavinia continuera sa pratique de la peinture plutôt que d’embrasser les rôles domestiques. Elle n’apporte pas de dot à sa belle-famille, son talent en est le garant. Malgré 11 enfants et sans atelier en propre, on lui attribue aujourd’hui plus de 130 peintures dont des commandes publiques de grand format. Avec talent, elle arrive à allier représentation du statut social et extrême tendresse, notamment dans ses portraits d’enfants.
Œuvre marquante : « Vénus et Mars », 1595 (Huile sur toile, 110 x 109 cm). Lorsqu’elle est exposée au Prado en 2019, le commentaire est « peinture profane connue la plus audacieuse ». Mars pose sa main sur la fesse de Vénus, alors que celle-ci se retourne vers le spectateur avec un regard, sûre d’elle, un lit défait suggérant un coït consommé en arrière-plan.

(Source : catalogue de la national Gallery of Ireland “Lavina Fontana, trailblazer, rule breaker », 2023)

Marietta Robusti (vers 1550)

Dans le cadre d’une invitation pour une exposition à Venise, que je souhaitais, comme toujours, ancrer localement, je pars à la recherche de vénitiennes et forcément le destin de Marietta croise mon chemin.
Vénitienne toute sa vie, fille de Jacopo Robusti (Il Tintoretto), celui-ci lui enseigne la peinture. Elle l’assiste sur des commandes grands formats, déguisée en homme afin de pouvoir peindre dans les églises. Après l’avoir encouragée, son père, possessif, lui interdit de devenir peintre officielle (la cour de l’empereur Maximilien II, puis celle de Philippe II d’Espagne l’auraient invitée). Surnommée « la Tintoretta », cette excellente portraitiste est malheureusement morte en couche, trop jeune, à 36 ans.
Œuvre marquante : « Autoportrait au madrigal », 1578 (Huile sur toile, 93 x 91 cm, Galerie des Offices, Florence). Ses autoportraits sont les quelques toiles dont on peut « certifier » qu’elle en est l’auteure ; d’autres œuvres seraient d’elle mais sont non authentifiées ou signées de son père.

(Sources : www.museodelprado.es/en. Article dans Beaux-Arts magazine n°474)

Judith Leyster (1609)

En visite impromptue à La Haye, afin de soutenir le diplôme de la fille d’une amie bloquée à Shanghai, je découvre le musée Mauritshuis. Je suis attirée par un intrigant petit format où une femme refuse l’argent d’un homme, c’est « La proposition » de Judith Leyster.
Reconnue de son vivant : Judith n’a que 19 ans quand elle est mentionnée comme artiste dans la chronique de sa ville, elle est la première femme admise à la guilde de Saint-Luc d’Haarlem et possède son propre atelier. Un exemple illustrant son statut : elle poursuivra Frans Hals en justice pour avoir récupéré un étudiant qui avait quitté son atelier sans l’accord préalable de la Guilde ! Une période de reconnaissance et d’intense activité se réduira singulièrement en 1636, après son mariage avec un peintre.
Œuvre marquante : « La Joyeuse Compagnie », 1630 (Huile sur bois, 68 x 57 cm), est acquise par le Musée du Louvre en 1893. Son l’appartenance étant incertaine, une enquête met à jour le monogramme distinctif « JL* » sous la signature de Frans Hals. La même année, Cornelis Hefstede de Groot écrit un article sur Leyster, considérée jusqu’alors comme une imitatrice de Franz Hals ; suite à quoi, il lui attribuera des tableaux de Hals.

(Sources : Connaissance des arts et Wikipedia)

Angelica Kauffman (1741)

En attendant mon amie archiviste paléographe Caroline Becker (qui m’aide tant depuis le premier jour de ce projet), dans l’entrée de la Royal Academy à Londres, je lève les yeux au plafond et suis séduite par une œuvre d’Angelica Kauffman.
Elle est fille puis assistante d’un père peintre, fait commun à l’époque, les ateliers étant interdits aux femmes. Son talent est reconnu de son vivant dans toute l’Europe. En 1766, elle est invitée à Londres avec son père, où elle bénéficie dès son arrivée du patronage de plusieurs femmes influentes. À la création de la Royal Academy, son président (le peintre Reynolds) invite Angelica et Mary Moser, à faire partie des 34 membres fondateurs. Elles sont les 2 seules femmes ! En 1781, elle se marie avec un peintre vénitien et retourne en Italie avec le désir de se consacrer à la peinture historique et allégorique, fait rare pour une femme. Elle réalise ainsi des commandes pour de grands collectionneurs comme le prince de Naples.
Œuvre marquante : « Elements of Art », 1778 (Huiles sur toile, 126 x 148 cm), 4 peintures commandées pour la salle du Conseil de la Royal Academy à Somerset House par Sir William Chambers. « Design » représente une femme dessinant un torse antique, masculin. La formation de l’époque voulait que les artistes commencent par dessiner des moulages puis poursuivent avec le modèle vivant. Angelica n’est jamais passée à l’étape du dessin de nus, alors interdit aux femmes.

(Sources : https://www.royalacademy.org.uk/art-artists. “Angelica Kauffmann: Biography, Work and Legacy” de Maria Tsaneva, 2023. Wikipedia.)

Marguerite Gérard (1761)

Une amie me présente Carole Blumenfeld, historienne de l’Art. En menant sa thèse sur le peintre Jean-Honoré Fragonard, elle remarque le talent de la nièce de ce dernier, Marguerite Gérard.
Au décès de sa mère, Marguerite a 14 ans. Elle rejoint alors sa sœur et son beau-frère Fragonard, peintres installés au Louvre, dont elle sera l’élève, puis la collaboratrice. Excellente portraitiste, elle est aussi douée en affaire. Elle se positionne stratégiquement au cœur de la scène parisienne en mettant au point une formule originale pour attirer l’attention : de petits portraits, format unique, 21 par 16 centimètres, peints sur panneaux de bois, où les personnages regardent le spectateur d’une manière très directe et naturelle.
Elle séduit ainsi une clientèle de financiers, aristocrates de province, nobles russes, anglais et flamands.
Œuvre marquante : « Portrait d’Hubert Robert » (Huile sur bois, 22 x 16 cm, collection particulière). Il s’agit d’un des peintres les plus portraitisés de son temps. Au Salon de 1789, Elisabeth Vigée-Le Brun expose un portrait de l’artiste, mettant en avant une image officielle. Au même moment, Marguerite peint une image « privée » du peintre. Deux visions du portrait s’opposaient alors : celle du portrait public encouragé par l’Académie royale, et celle du portrait privé pour les intimes. « Son portrait est naturel, la pose informelle, renforçant l’impression de simplicité et de bonhomie de ses traits, c’est un des seuls que la veuve du peintre conserva auprès d’elle » (dixit C.B.).

(Sources : « Marguerite Gérard, Artiste en 1789, dans l’atelier de Fragonard » Éditions Paris Musée (Musée Cognac-Jay), 2009. www.culture.gouv.fr/)

Marie Victoire Lemoine (1754)

Été 2023, Carole Blumenfeld, historienne de l’Art, m’invite à son exposition dans la ville de Grasse, où elle présente un ensemble de peintures des sœurs Lemoine dont Marie-Victoire est la tête.
Fille de perruquier, Marie-Victoire décide de devenir peintre, dans une « famille où l’indépendance des filles était un principe fondateur ». Élève de François-Guillaume Ménageot, elle retient dessin et recettes techniques de son professeur, mais aucunement le style. À 25 ans, sa carrière est lancée grâce à la princesse de Lamballe, puis au soutien du joaillier Lempereur, un des plus grands collectionneurs de peintures et de dessins de son siècle. Audacieuse, talentueuse et ayant le sens des affaires, elle dit fièrement : « je déclare vivre de mon art ».
Œuvre marquante : « Intérieur d’un atelier de femme, peintre » 1789 (Huile sur toile, 116 x 88 cm, Metropolitan Museum of Art, NY). Ce tableau pourrait être nommé : la fierté de l’atelier. Les 2 femmes représentées ne sont pas identifiées, l’une est debout une palette à la main, face à une toile de grand format en élaboration, l’autre agenouillée dessine à la craie, un carton à dessin posé sur les genoux. Marie-Victoire permit à ses 3 sœurs Marie-Élisabeth, Marine-Geneviève, Marie Denise et à sa cousine orpheline, Jeanne Élisabeth, de devenir financièrement indépendantes grâce à la peinture ! Une famille hors du commun dont les piliers seraient encouragement, émulation, « horizontalité de la sororité et non verticalité patriarcale » (dixit C.B.).

(Source : Catalogue de l’exposition « Je déclare vivre de mon art » au Musée Fragonard à Grasse, Éditions Gourcuff Gradenigo, 2023)

Jeanne Elisabeth Chaudet (1767)

Dans son exposition au Musée Fragonard à Grasse en 2023, Carole Blumenfeld présente également des peintures de Jeanne Elisabeth, la cousine orpheline des sœurs Lemoine.
Elle est formée et vit avec Marie-Victoire Lemoine, au même titre que les sœurs de celle-ci. Elle épouse le sculpteur Antoine Denis Chaudet qui fera partie intégrante de cette sororité familiale et artistique. « À partir du directoire, elle délaissa les figures allégoriques pour explorer les frontières entre le portrait et la scène de genre, transmettant ainsi des messages politiques engagés dans ses œuvres. Elle y livre ses questionnements sur les grands débats de son temps : la fragilité de l’enfance, la force de la femme ou l’actualité politique, dans un langage subtil destiné aux initiés » (dixit C.B.). Pour déceler les significations, il est parfois nécessaire de tisser des liens entre les compositions de la cousine et celles des sœurs.
Œuvre marquante : « Enfant tenant le sabre de son père », présenté au Salon de 1817, (Huile sur toile, 73 x 60 cm, collection Farida et Henri Seydoux, Paris). Ce tableau incarne une société exténuée par les épopées militaires. Audace et sens politique : « La composition est une réponse à une œuvre perdue de Mantegna, maintes fois copiée et connue par une gravure du XVIe, une Allégorie de la servitude. Le choix de l’artiste ne manque pas de piquant puisque nous voyons ici une jeune fille s’emparer des symboles du pouvoir patriarcal en s’armant du sabre d’officier d’état-major, pour réparer les torts des années napoléoniennes. » dixit le cartel de l’exposition.

(Sources : Catalogue de l’exposition « Je déclare vivre de mon art » au Musée Fragonard à Grasse, Éditions Gourcuff Gradenigo, 2023. Textes et cartels in situ dans l’exposition, 2023)

Marie-Guillemine Benoist (1768)

En 2010, je prépare un livre sur les titres dans l’Art et notamment en peinture. « Portrait de femme noire » exposé au Musée du Louvre, attire mon attention : son cartel précisant le titre initial « Portrait d’une Négresse », ou comment un titre reflète son temps.
Marie-Guillemine suit une formation d’excellence auprès d’Élisabeth Vigée Le Brun, puis à l’atelier de Jacques-Louis David, étudiant histoire, composition et dessin. En 1791, le grand format « Les Adieux de Psyché à sa famille » marque son audace, avec ce sujet rarissime qui souligne le courage d’une femme. Son atelier dans lequel elle enseigne exclusivement aux femmes, illustre ses convictions « féministes ». En 1814, en plein succès et percevant une pension du gouvernement, elle renonce à sa carrière à grand regret et avec un sentiment d’humiliation, afin de ne pas nuire à son époux devenu conseiller d’État.
Œuvre marquante : « Portrait d’une femmes noire » (Huile sur toile, 81 x 65 cm, musée du Louvre, Paris) exposé avec retentissement au Salon de 1800, est un véritable manifeste sur l’émancipation des femmes et des esclaves (six ans après l’abolition de l’esclavage). Portrait reconnu comme chef d’œuvre, il entre dans les collections d’état.

(Sources : www.culture.gouv.fr/. Site du Musée du Louvre. www.gazette-drouot.com. Wikipedia)

Émilie Charmy (1878)

Coup de foudre pour deux auto-portraits présentés à la Frieze 2023, sous le commissariat de Camille Morineau. Toiles hors budget. Cependant amoureuse de sa touche, je déniche un tableau plus modeste en vente à Drouot, qui me réjouit chaque jour à l’atelier.
Orpheline, Émilie refuse une vie tracée. Elle se forme à la peinture puis vers 25 ans, monte à Paris. Là, elle se lie notamment avec les peintres fauves et l’auteure Colette. En 1905, elle est repérée par Berthe Weill au Salon d’automne. Elle jouit d’une certaine reconnaissance, pour exemple sa participation à une exposition* au musée du Luxembourg en 1928, où elle est précédée au sommaire par Cézanne et Chagall. Elle sera tristement oubliée après la seconde Guerre mondiale.
Œuvre marquante : une série d’autoportraits introspectifs réalisés tout au long de sa vie, des traits bruts, intenses et libres.

(Sources : awarewomenartists.com. Catalogue de l’exposition « Portraits et figures de femmes d’Ingres à Picasso » au musée du Luxembourg en 1928 dont Braque, Degas, Gauguin, Manet, Matisse…)

Natalia Gontcharova (1881)

Destin rencontré dans le cadre d’une commande publique pour la mairie de Châtenay-Malabry. Je m’aperçois que certains de ses dessins ont été retrouvés dans les réserves de la Maison de Chateaubriand, où vécue sa compatriote et amie Lydie Plekhanov-Le Savoureux.
Admise en 1898 à l’École de peinture, de sculpture et d’architecture de Moscou, elle y rencontre son mari. En 1913, le couple présente à Paris des œuvres « rayonnistes », mouvement inspiré des futuristes, visant à rendre visible les vibrations d’un objet. En juin 1915, elle quitte définitivement la Russie et obtient la nationalité française en 1939. Une rétrospective lui est consacrée en 2019, à la Tate Modern de Londres.
Œuvre marquante : décors pour le ballet « Le coq d’or », 1914. Serge de Diaghilev la repère et l’invite à collaborer avec les Ballets russes. Elle créera également les décors de « L’oiseau de feu » et « Les Noces », mais aussi les costumes pour de nombreux autres ballets. De son approche de l’art populaire russe et sa familiarité avec l’avant-garde française nait un style unique.

(Sources : awarewomenartists.com. Sotheby’s. harvardartmuseums.org. data.bnf)

Femmes d’Art

Berthe Weill (1865)

C’est dans la librairie du mahJ, musée d’Art et d’Histoire du judaïsme, qu’un portrait au trait noir sur couverture blanche capte mon attention.
Dans les années 1880, Berthe entre comme apprentie chez Mayer, un antiquaire renommé, où elle développe son œil. Pionnière, elle est la première femme à oser s’emparer du métier de galeriste, et s’installe au pied de Montmartre, rue Victor Massé. Le démarrage étant difficile, la veuve Mayer suggère à la mère de Berthe de lui donner l’argent destiné à son trousseau afin de générer des fonds pour la galerie. 30 ans plus tard, en 1931, « L’œil de Paris » écrit : « Célèbre galerie ! On y vit les premiers Matisse, des Picasso, des Dufy, des Derain. Tout cela bien avant que les prix en fussent élevés. » Elle fit en effet les 1res ventes de Picasso à Paris, et organisa la 1re exposition personnelle d’Amedeo Modigliani.
Elle sort miraculeusement vivante mais ruinée de la seconde guerre mondiale, quand un soutien unique vient à elle. La Société des Amateurs d’Art et des Collectionneurs organise une vente aux enchères publiques au bénéfice de Mlle Weill : « ces œuvres sont offertes par les artistes en reconnaissance des efforts désintéressés qui ont aidé leurs débuts ».
En 1948, elle est élevée au grade de Chevalier de la Légion d’honneur.

(Sources : « La petite galeriste des grands artistes », Éditions L’écarlate. Autobiographie « Pan ! dans l’œil… ou trente ans dans les coulisses de la peinture contemporaine 1900-1932 » publiée en 1933. Fonds d’archives www.bertheweill.fr)

Rose Valland (1898)

Lors d’une conversation téléphonique avec Marianne Vourch, une amie chroniqueuse sur France Musique toujours à l’affut de destins méconnus, celle-ci partage avec moi sa découverte du formidable rôle de Rose Valland.
Institutrice, École des Beaux-arts de Paris, École du Louvre, Institut d’art et d’archéologie et l’École pratique des hautes études, ce parcours universitaire étonnant donne à Rose la légitimité d’être conservatrice. Néanmoins, c’est comme attachée bénévole qu’elle entre au musée du Jeu de Paume. En l’absence du conservateur qui est mobilisé, Jacques Jaujard, directeur du Louvre, lui confie la sécurité des collections et le fonctionnement du musée. En juin 1940, le lieu devient « centre de tri des spoliations nazis », où Goering vient régulièrement « faire son marché ».
Rose cultive sa discrétion et devient l’espionne idéale. Elle fouille les poubelles, écoute aux portes et grâce à sa mémoire exceptionnelle note tout : dates d’arrivée, provenances, titres et destinations de 100 000 œuvres spoliées. Elle portera régulièrement ses précieuses notes à Jacques Jaujard qui les transmettra à la résistance. Le 4 mai 1945, nommé « Capitaine » dans l’Armée de Leclerc, elle part en Allemagne comme agent de terrain. En 10 ans, elle retrouvera près de 60 000 œuvres !

(Sources : « Rose Valland, l’espionne à l’œuvre » de Jennifer Lesieur. Éditions Robert Laffont, 2023. https://rosevalland.com)

Carla Accardi (1924)

En cours d’élaboration…
Peintre, figure majeure du formalisme italien. En 1970, elle fonde à Rome avec Elvira
Banotti et Carla Lonzi le collectif «  Rivolta Femminile  ». Leur but est de mettre en lumière des
artistes femmes oubliées : acte fondateur d’un des tous premiers groupes féministes italien.

Feliza Bursztyn (1933)

D’une femme à l’autre : dans l’exposition de Julia Margaret Cameron, une amie colombienne me parle de Feliza Burstyn. De fait, l’époux de cette amie, écrivain, est en pleine écriture d’un roman dont Feliza est l’un des personnages.
Dès ses premières sculptures, ses « chatarras », en 1961, elle compose avec des rebuts : bouts de métaux, écrous, boulons, engrenages, câbles, des matériaux rarement utilisés par une femme. Inspirée, elle fit un passage dans l’atelier de César lors d’un séjour en France. Puis elle intègrera à ses sculptures : moteurs, mouvements et sons. En 1979, elle déclare : « Dans une société patriarcale, les femmes n’ont pas d’autre choix que de simuler la folie. »
Œuvre marquante : la série « Las Histéricas », 1968 (techniques mixtes et moteur) sont des formes abstraites de taille humaine, couvertes de grandes toiles, mises en mouvement bruyamment, qui se secouent et vibrent comme une femme hystérique. Cette pathologie, diagnostiquée spécifiquement chez les femmes, fut un sujet largement développé par les misogynes et dans les tentatives de stigmatisation de l’infériorité du sexe féminin.

(Sources : awarewomenartists.com. Vidéo de Leon Tovar Gallery “Featuring Feliza Bursztyn: Histérica”, 2020.)

Hannah Wilke (1940)

Je la connais de nom, sans avoir vu ses œuvres. Véritable rencontre dans la formidable exposition « Les Amazones du Pop » initiée par Hélène Guenin, au MAMAC de Nice en 2021.
Sculpteure et performeuse américaine, elle est dite « pionnière de l’art féministe ». Le terme « Performalist self-portrait » exprime parfaitement sa pratique où son corps est son médium. Toutes son œuvre dénonce la condition féminine. Pour exemple, lors d’une performance elle prend des poses érotiques dans un aquarium, en référence à la femme objet dans les vitrines de magasins.
Œuvre marquante : « Needed-Erase-Her », 1974, ensemble de 30 sculptures de vulves en gomme et mie de pain, sur contreplaqué. Ce sujet des vulves de sexe féminin sera récurant avec des titres variants. Une première série en terre cuite fut exposée à New-York en 1960 et fit scandale. En 1973, elle montre une série de 176 vulves, titrée « one-Fold gestural Sculptures », en céramique peinte en rose.

(Sources : Catalogue de l’exposition « Les Amazones du Pop : She-Bam Pow Pop Wizz ! collectif, Éditions Flammarion, 2020. « Hannah Wilke » by Nancy Princenthal, Éditions Prestel, 2010.)

Femmes libres

Amanirenas (-40)

Reine de Méroé, elle fait la conquête d’une série de forts romains dans l’actuel Soudan. Elle rapporte en trophée la tête d’une sculpture en pieds monumentale de l’Empereur Auguste qu’elle fait enterrer sous l’escalier d’un temple dédié à la victoire.

Zénobie de Palmyre (240)

Régente d’un empire qui recouvre la Syrie, l’Arabie, l’Égypte et une partie de l’Asie Mineure. La cour de Palmyre était l’un des foyers intellectuels et artistiques les plus brillants de son époque.

Khadija Bint Khuwaylid(~560-619)

Décide d’épouser Mahomet. Elle consacrera sa fortune à la diffusion de l’Islam. Appelée « Mère des croyants ».

Wu Zetian (624-705)

Seule femme impératrice de Chine. Le titre et la fonction d’empereur étaient réservés aux hommes. Concubine, elle fait des alliances politiques et finira couronnée en 690, fondant sa propre Dynastie. Elle œuvre à l’amélioration du statut des femmes : funérailles publiques aux femmes sans-abri, soins aux veuves, hospices et maisons d’accueil pour jeunes filles…

Hildegarde de Bingen (1098-1179)

Abbesse bénédictine, écrivain, compositeur, philosophe, elle est considérée comme la fondatrice de l’histoire naturelle. Elle publie deux traités : « Physica » (9 livres) et « Causae et Curae ».

Pétronille de Chemillé (~1060-1149)

En 1115, elle devient la première abbesse de l’Abbaye de Fontevraud. Elle prend la tête d’une communauté de moines et de moniales, un ordre mixte, ce qui est inédit. Son nom ouvre la longue lignée des abbesses de Fontevraud (seules des femmes pourront diriger cette abbaye) et exprime le pouvoir et la liberté des femmes au Moyen Âge.

Jeanne d’Albret (1528-1572)

Reine de Navarre et mère du futur Henri IV (roi de France) elle se convertit officiellement au protestantisme. Elle sera jusqu’à sa mort le leader politique et religieux du mouvement protestant en France.

Émilie du Chatelet (1706-1749)

La crue réalité de la femme entre corps et esprit, m’a émue dans la vie de cette mathématicienne et physicienne. Enceinte de son quatrième enfant, elle travaille avec un sentiment d’urgence à sa traduction de l’œuvre de Newton. Elle termine les « Principes mathématiques de la philosophie naturelle », accouche et meurt. Le français étant la langue universelle au siècle des Lumières, son ouvrage est un pilier de la diffusion de la révolution scientifique en Europe et fait encore autorité aujourd’hui. Elle prouvera également expérimentalement que l’énergie cinétique est proportionnelle à la masse et au carré de la vitesse.

Laskarina Bouboulina (1771-1825)

Armatrice, elle hisse le drapeau grec (dessiné par ses soins) sur le mât de son navire de guerre, l’Agamemnon. Elle jouera un rôle fondamental dans la guerre d’indépendance de la Grèce contre les Ottomans.

Marguerite Yourcenar (1903-1987)

Le 6 mars 1980, elle est la première femme élue à l’Académie française. Elle dira dans une interview : « Quand on veut s’informer d’une personnalité du passé, on a mille fois plus de documents sur les hommes que sur les femmes. »

Indira Gandhi (1917-1984)

Le 24 janvier 1966, elle devient la première femme Premier Ministre de l’Inde. Elle mène la « Révolution verte » afin de soustraire son pays à sa dépendance vis-à-vis des puissances étrangères et garantir son autosuffisance alimentaire. Malgré un bilan contrasté, elle a essayé de moderniser l’Inde et meurt assassinée.

Simone Veil (1927-2017)

17 janvier 1975, vote de la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse, après une longue bataille.
Liste établie par Caroline Becker (archiviste paléographe). L’idée étant de retracer des moments historiques marquants dans la quête liberté et d’indépendance de la femme à travers le monde et les siècles.

Femmes Aventurières

Aphra Behn (~1640-1689)

Voyageuse, espionne et auteur, elle fut la première femme de lettres anglaise à vivre de sa plume. Son roman « Oroonoko » est l’un des premiers récits anti-esclavagistes, dont le héros, un prince africain, devient esclave, novateur ! « Aphra Behn prouva qu’on pouvait gagner de l’argent (…) et peu à peu, le fait d’écrire cessa d’être considéré comme un signe de folie ». Virginia Woolf

Sophie von La Roche (1730-1807)

Première écrivaine à vivre de sa plume dans l’espace germanophone. Son mari tombé en disgrâce, elle développe la première revue de langue allemande publiée par une femme pour des femmes ainsi que des romans, afin de subvenir au ménage. Voyageuse, elle tente l’ascension du Mont Blanc à plus de 50 ans, son récit est considéré comme le premier reportage sportif.

Jeanne Barret (1740-1807)

Botaniste et exploratrice, regardée comme la première femme à avoir fait le tour du monde. Elle embarquera avec l’expédition de Bougainville sur « La Boudeuse et l’Etoile », déguisée en homme, les femmes n’ayant pas le droit de faire partie de l’équipage d’un navire.

Ida Laura Pfeiffer (1797-1858)

Dans la vitrine d’un bouquiniste mon regard est attiré par un titre « Voyage d’une femme autour du monde ». Elle commence vers 50 ans, une fois veuve, enfants élevés, seule et sans moyens financiers : cinq voyages en seize ans, dont deux tours du monde. Le récit de ses voyages est publié, son écriture est simple, son regard presque naïf, néanmoins sans compromis sur les colonies.

Isabella Bird (1831-1904)

À 23 ans, son père lui donne 100 livres Sterling pour partir en Amérique, à son retour elle publie anonymement « The Englishwoman in America ». Elle financera ses voyages grâce à la publication de récits accompagnés de photographies : Australie, Hawaii, Far West, Japon, Chine, Corée, Vietnam, Inde, Tibet, Turquie, Perse… Elle sera la première femme à entrer à la « Royal Geographical Society » et à la « Royal Photographic Society ».

Alexandrine Tinne (1835-1869)

Au décès de son père, elle devient l’une des plus riches héritières des Pays-Bas et commence à voyager avec sa mère : Norvège, Italie, Moyen-Orient et Égypte (1856). Elle débute la photographie au collodion humide afin de documenter ses voyages. Seconde expédition en Égypte en 62, avec de riches résultats scientifiques et géographiques, mais durant lequel elle perd mère et tante. Elle reste en Orient, puis repart vers la Lybie, le Darfour et le Tchad où elle est assassinée.

Jeanne Isabelle Massieu (1844-1932)

Une fois veuve, elle commence avec la Mésopotamie, le Liban et la Syrie ; puis Ceylan et l’Inde. Suivi d’un grand tour d’Asie en pirogue et à cheval, où elle chemine à travers la jungle : Indochine, Thaïlande, Birmanie, Singapour puis la Chine et le Japon. À 64 ans, ce sera l’Himalaya et la première femme française à entrer au Népal. Elle rapporte récits et photographies des populations.

Jane Dieulafoy (1851-1916)

Archéologue, romancière et photographe, elle part à 30 ans pour la Perse avec son époux. Elle est chargée de la photographie de l’expédition. Parlant persan, elle se déplace en pays musulman travestie en homme (cheveux courts et habits masculins), où elle répertorie et photographie notamment tous les monuments.

Myriam Harry (~1869- 1958)

Née à Jérusalem, éduquée par un père antiquaire, elle parle anglais, allemand, russe et arabe. Après un temps à Berlin, elle immigre à Paris où son roman « La Conquête de Jérusalem » la fera première lauréate du prix Fémina en 1904. Pour la presse, elle voyagera comme journaliste notamment au Moyen Orient, nourrie de la double culture orient-occident.

Emily Hahn (1905-1997)

Journaliste et auteure américaine prolifique (54 livres et des articles). En 1926, elle est la première femme diplômée en ingénierie minière du Wisconsin. Grande voyageuse : elle traverse l’Afrique à pied dans les années 1930 ; part au Japon et en Chine en 1935. Installée à Shanghai, elle fera le pont entre les milieux intellectuels chinois et occidentaux.

Sources diverses, destins rencontrés au cours de hasards et femmes photographes

Femmes poètesses et auteures

Enheduanna (-2300 av JC)

Probablement le plus ancien auteur littéraire… Fille de Sargon d’Akkad, son père conquiert Ur et la nomme grande prêtresse de la prospère capitale sumérienne en Mésopotamie (Irak actuel). Un soulèvement l’en chasse, et inspire la rédaction des « Hymnes aux temples », supplications manuscrites dont nous avons trace. Un texte exceptionnel : premier texte dont l’auteur est identifié et c’est une femme !

« Mon propre procès n’est pas achevé, pourtant un verdict adverse me contraint comme s’il s’agissait du verdict me concernant. » Il y a 43 siècles un texte écrit à la première personne !

Sapphô (-630)

On possède peu de données sûres concernant Sapphô. Même si plus de 100 auteurs anciens l’ont citée ou ont parlé d’elle, un seul poème nous est parvenu dans son intégralité : l’Hymne à Aphrodite. Débauche ? Homosexualité ? Hétérosexualité ? L’enseignement de Sapphô au thiase était une véritable initiation à la liberté pour jeunes filles, qui dans la société de l’époque n’étaient pas citoyennes, juste épouse, procréatrice et gardienne des intérieurs.

« Car ma langue outrée toute force perdit,
Un subtil feu prompt me courut tout partout
Vint ravir mes sens : je ne vois du tout plus
Même je n’oy plus. » (Traduit par J.A. de Baïf, 1555)

Aspasie de Milet (-450)

Vers 450 av. J.-C. elle arrive à Athènes. En tant que femme étrangère, elle peut être indépendante et payer des impôts, ce qui l’autorise à participer aux débats publics. Égérie de Périclès, amie de Socrate, elle devient le centre de la vie intellectuelle athénienne. Elle est citée, entre autres, dans les écrits de Platon et Plutarque… Souvent dépeinte comme courtisane et manipulatrice, l’admiration qu’elle suscitât devait autant à sa remarquable intelligence qu’à sa beauté.

Sulpicia (-69)

Seule femme poète de la Rome antique dont l’œuvre nous soit parvenue. Ses 6 élégies ont été publiées avec les écrits d’Albius Tibullus, ce qui perturba la crédibilité de l’auteur, longtemps contestée. Au XVIIIe, Christian Gottlob Heyne, érudit allemand, la confirment comme auteure. Ses poèmes offrent une perspective unique car il s’agit du regard d’une femme sur les femmes.

Traduction très libre : « Mon péché est ma joie ! Je ne veux me soucier de ce que les autres pensent. Je suis aussi digne de lui qu’il l’est de moi. »

Murasaki Shikibu (vers 978-1014)

Je marche dans les rues d’Athènes en parcourant mon application France Culture, et sélectionne « Le Dit du Genji : premier roman psychologique mondial ». Là, découverte !
Veuve jeune, elle devient dame d’honneur à la cour impériale pendant l’époque de Heian. Elle écrit « Le Dit du Genji », considéré comme le 1er roman de la littérature mondiale, et il est écrit par une femme ! La prose en japonais était réservée aux femmes, les hommes écrivaient en sino japonais. La prose de fiction était dévalorisée, au profit du poème favori. Elle n’est pas une pionnière mais son « projet littéraire » au long cours l’est. C’est un très long roman, plus de mille pages, mêlant intrigues d’amour et d’exil à la cour, relations non consenties, avec des descriptions d’une acuité psychologique rare et une surprenante auto-ironie, comme une voix off accompagnant le personnage principal. C’est un best-seller connu de tous les japonais. Son écriture sera célébrée par Marguerite Yourcenar qui dit : « Quand on me demande qu’elle est la romancière que j’admire le plus c’est le nom de Murasaki Shikibu qui me vient aussitôt à l’esprit, avec un respect et une révérence extraordinaire. C’est le Marcel Proust du moyen âge nippon. »
Au Chapitre 40, la femme que le Genji aimait le plus est gravement malade : « Un vent violent s’était levé au crépuscule. Murasaki voulu voir le jardin (…) De voir la joie qu’il (Genji) semblait éprouver à moindre rémission lui faisait peine. Et d’imaginer le désespoir qui bientôt le saisirait, l’émotion la submergea. (…)
Poème du Genji : « qu’importe après tout quand chacun à la rosée dispute le pas, car elle disparaîtra avant peu assurément. » Dit-il sans même prendre la peine d’essuyer ses larmes. Poème de l’impératrice : « Ce monde où rosée au vent d’automne un instant ne peut demeurer. »

(Sources : Podcast la Compagnie des œuvres 15 février 2023, « Le « Dit du Genji » 源氏物語 de Murasaki Shikibu, premier roman psychologique mondial ». Invitée Estelle Bauer, professeure à l’Institut national des langues et civilisations orientales.)

Louise Labé (1524-1566)

Nous connaissons seulement 662 vers des ses écrits. Elle appartient au groupe dit de « l’école lyonnaise », alors centre économique et culturel grâce à ses salons et ses imprimeries. Doutes émis : serait-elle une fiction élaborée par un groupe de poètes ? Par ailleurs elle contribue à faire redécouvrir Sapphô.

« Mais ayant passé partie de ma jeunesse à l’exercice de la Musique, et ce qui m’a resté de tems l’ayant trouvé court (…) notre sexe, de le voir non en beauté seulement, mais en science et vertu passer ou egaler les hommes : je ne puis autre chose que prier les vertueuses Dames d’eslever un peu leurs esprits par-dessus leurs quenoilles et fuseaus… »

Margaret Cavendish (1623-1673)

Aristocrate anglaise, écrivaine, philosophe et scientifique. Elle est connue principalement pour son roman « Le Monde glorieux ». Elle défend son droit à écrire, à publier des poèmes et des idées philosophiques en tant que femme : « Les femmes vivent comme des blattes ou des chouettes, elles meurent comme des vers. » Critiquée et ridiculisée, elle finit par se retirer dans ses domaines.

Anne Finch (1661-1720)

Comtesse de Winchelsea poète et courtisane anglaise. Elle déplore la position des femmes en littérature et à la cour. Elle aimerait l’égalité mentale et spirituelle des sexes. Elle fait référence à d’autres auteures de l’époque, comme Aphra Behn ou Katherine Phillips.

« Alas! a woman that attempts the pen,
Such an intruder on the rights of men,
Such a presumptuous Creature, is esteem’d,
The fault, can by no virtue be redeem’d. »

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)

Née dans une famille d’artisans qui sera ruinée par la Révolution, elle est poète autodidacte. Admirée par Balzac, Baudelaire, Louis Aragon, elle est, selon Verlaine, la seule femme de génie et de talent de ce siècle. En 1819, elle publie un premier recueil : Élégies, Marie et Romances, au caractère novateur, faisant d’elle une pionnière de la poésie romantique.

Lou Andréas Salomé (1861-1937)

Russe, philosophe et libre. Elle sillonne l’Europe au gré de ses rencontres intellectuelles. Elle a de grandes amitiés avec Friedrich Nietzche (qui voudra l’épouser), Rainer Maria Rilke et Sigmund Freud. Elle publie 20 livres et 120 articles entre 1895 et 1934. Elle n’a voulu ni tombeau, ni publications posthumes.

Catherine Pozzi (1882-1934)

Prématurément sans père, sans mari et atteinte de la tuberculose, elle passe son baccalauréat à 37 ans. Divorcée, elle a une correspondance fertile et une longue liaison avec Paul Valéry (déjà marié). Un seul poème fut publié de son vivant (1929), suivi d’autres après son décès, grâce à l’attention notamment, de Jean Paulhan (NRF) et André Gide. Rare femme au catalogue « Poésie » de Gallimard, discipline pourtant autorisée aux femmes de tout temps.

« Je me cherche dans l’inconnu / Un nom libre de la mémoire. »
« Le bonheur vit, jusqu’à l’instant de voir / Par-dessus la haie, outre la barrière. »

Femmes compositrices

Khosrovidoukht de Goghtn (~710)

On connait peu de choses de sa vie. Néanmoins elle faisait partie de la famille royale d’une région d’Arménie. Redécouverte au XIXe, lui est attribuée la composition d’un « šarakan », (hymne canonique) « Zarmanali e Ints » (737) dont il existe un enregistrement moderne, magnifique. L’un des premiers exemples de la musique arménienne avec développement mélodique.

Écouter : https://www.youtube.com/watch?v=ELu2_Msb9Sw

Sahakdoukht de Sioumie (~720)

Sœur du musicologue et traducteur Stepanos Syunetsi. Après le meurtre de celui-ci, en grand deuil, elle part vivre en ascète dans une grotte, où elle créa poèmes et chants lithurgiques chrétiens. Sibil (auteure arménienne) souligne qu’en 1909 l’Arménie ne s’intéresse plus à l’éducation des femmes, contrairement au VIIIe siècle où Sahakdoukht avait pu créer une école de musique.

Kassia (~810- 865)

Ou Cassienne de Constantinople, abbesse byzantine, poétesse et compositrice, elle est l’une des rares compositrices médiévales dont les manuscrits (musique et textes) nous soient parvenus. Féministe avant l’heure, elle met la femme en valeur dans ses hymnes, par exemple la pécheresse qui embrasse les pieds de Jésus, parle et n’est pas une prostituée. Engagée contre l’ignorance dans ses textes elle écrit : « Il n’y a pas de remède contre la stupidité ».

Écouter : https://www.youtube.com/watch?v=u1k_eKhTwvs

Maddalena Casulana (1544-1590)

Compositrice, luthiste et chanteuse italienne de la renaissance. En 1568, elle publie à Venise son premier livre de madrigaux pour quatre voix « Il primo libro di madrigali ».

Elle serait la première compositrice féminine à avoir publier un recueil entier dans l’histoire de la musique occidentale. En 1570, 1583 et 1586 elle publie d’autres livres de madrigaux, tous à Venise.

Écouter : https://www.musicme.com/#/Maddalena-Casulana/

Anna Isabella Leonarda (1620-1704)

À 16 ans, elle entre au couvent de Novare (Italie), dont sa famille est bienfaitrice. Les nonnes étaient des « vierges sacrées ». Cependant leurs talents musicaux étaient des trésors civiques et leurs performances très populaires. Elle est l’une des compositrices les plus productives de son temps, touchant tous les genres sacrés avec 200 compositions sur une période de 60 ans (en partie imprimées par Gasparo Casati).

Écouter : https://www.musicme.com/#/Isabella-Leonarda/

Louise Farrenc (1804-1875)

Née à Paris, elle étudie piano et harmonie. Elle épouse un flutiste et éditeur de musique qui soutiendra sa prolifique création. Professeur de piano au conservatoire, elle se bat pour l’égalité de salaire. Elle reçut deux fois le Prix Chartier (1861 et 1869), destiné à récompenser l’excellence d’une composition musicale et décerné par l’Institut de France. En 81 ans, de 1861 à 1942, seules deux autres femmes obtiendront ce prix aux cotés de Louise.

Écouter : https://www.youtube.com/watch?v=z7hAY1z4ncI

Fanny Mendelssohn-Hensel (1805-1847)

En raison des réserves de sa famille et des conventions sociales de l’Allemagne de l’époque, un certain nombre de ses œuvres ont été publiées sous le nom de son frère, notamment dans les collections opus 8 et 9. Subissant la pression familiale, elle n’ose faire publier ses compositions qu’un an avant sa mort : un recueil de chansons sous le titre d’Opus 1 en 1846. Depuis 30 ans, sa vie et ses œuvres font l’objet de recherches rétablissant son génie.

Écouter : https://www.musicme.com/#/Fanny-Hensel-Mendelssohn/

Emilie Mayer (1812-1883)

Née à Friedland, son indépendance financière lui permet de se consacrer à la composition. Héritière, elle autofinance ses concerts et rencontre le succès. Néanmoins, aucun grand éditeur allemand ne la publie, la condamnant à l’oubli. Le critique Flodoard Geyer dira : « Ce que peuvent atteindre des forces féminines, forces de second ordre, Émilie Mayer l’a conquis », ces mots sont l’expression du contexte de l’époque. Elle compose 8 symphonies, des musiques de chambre… qui se caractérisent par de brusques changements de tonalités.

Écouter : https://www.youtube.com/watch?v=pmFHdH706Ms

Clara Wieck Schumann (1819-1896)

Pianiste et compositrice allemande. En 1835, elle compose un concerto pour piano Opus 7 sous la baguette de Felix Mendelssohn. Son père imagine pour elle une carrière de virtuose internationale et s’oppose à son mariage avec Robert Schumann. Après bataille, elle l’épouse et a 8 enfants. Trop occupée, elle reste pianiste mais ne compose presque plus. Elle composera essentiellement entre 14 et 16 ans.

Écouter : https://www.youtube.com/watch?v=BD6xhB4jS9s

Marie Jaëll (1846-1925)

Compositrice et pianiste virtuose, elle est veuve à 35 ans. Elle étudie la composition avec César Franck et Camille Saint-Saëns avant d’être la première femme admise à la Société des Compositeurs de Paris. Prolifique avec plus de 70 œuvres, Liszt lui déclare : « Un nom d’homme et vos partitions seraient sur tous les pianos ». Elle propose une profonde réforme de l’enseignement du piano où l’automatisme et la répétition laissent place à la « méthode du toucher ».

Écouter : https://www.youtube.com/watch?v=Z9CrBiU62BA

Cécile Chaminade (1857-1944)

Née à Paris, son père refuse qu’elle intègre le conservatoire. Elle suit donc un enseignement musical privé. Pianiste virtuose, Georges Bizet la surnommait « mon petit Mozart ». En 1908 elle fait salle comble aux États-Unis et au Canada. Compositrice de style romantique, son œuvre comporte 200 pièces pour piano, des œuvres symphoniques, un opéra-comique… ses compositions sont jouées dans le monde entier.

Écouter : https://www.youtube.com/watch?v=oapbWP639z8

Amy Marcy Beach (1867-1944)

Née dans le new Hampshire, enfant prodige, elle est formée au piano par sa mère puis par Ernst Perabo et Karl Bärmann, à Boston. Prolifique en composition, elle signe du nom de son mari : « Mrs H.H.A. Beach ». Elle joue ses créations en tournée dont une triomphale en Europe entre 1911 et 14. Sa symphonie « Gaélique » est la première symphonie composée et publiée par une américaine (1896). Son œuvre de plus de 300 pièces embrasse tous les genres, sauf l’opéra.

Écouter : <https://www.youtube.com/watch?v=sBkqCBe-EXk

Liste établie au départ grâce à http://drama-musica.com/Blog/TheBigList.html

Puis avec les suggestions de Laurence Equilbey (chef d’orchestre) et les portraits de « La boîte à pépites » (une idée originale d’Héloïse Luzzati).

Femmes engagées

Françoise de Maintenon (1635-1719)

Célèbre maîtresse de Louis XIV, son action éducative est néanmoins largement méconnue. Elle mène à bien la création de la « Maison royale de Saint Louis » à Saint Cyr, fondée le 15 août 1684. Il s’agit de la première école séculaire pour jeunes filles ayant pour objectif affiché de leur inculquer une éducation plus solide que dans les couvents : comprenant arithmétique, grammaire, histoire, langue, art…

Olympe de Gouges (1748-1793)

Découverte grâce à un podcast où Julie Depardieu lit la Déclaration DFC

Figure de proue de la Révolution française, sa célèbre phrase « Si les femmes ont droit à l’échafaud, qu’elles aient aussi la tribune. » est emblématique. Elle s’est battue pour le droit de vote, de divorce, d’éducation… Elle a écrit des tracts, affiches et pièces de théâtre grand public (celle sur l’esclavage donnée à la Comédie Française n’a été jouée qu’une seule fois tant le scandale fût grand). La pierre angulaire de son œuvre est « La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne ».

Germaine de Staël-Holstein (1766-1817)

Romancière, philosophe et fille de Jacques Necker (ministre des finances de Louis XVI), elle ouvre son propre Salon à Paris. En 1802, le Consul Napoléon Bonaparte prononce sans procès son ordre d’exil. Un de ses contemporains écrira : « trois grands pouvoirs en Europe sont à l’œuvre pour contrer Napoléon : l’Angleterre, la Russie et Madame de Staël ». Les « Considérations sur les principaux événements de la Révolution Française » est un ouvrage fondateur de l’historiographie révolutionnaire.

Sophie de Condorcet (1763-1822)

Née Sophie Marie Louise de Grouchy, elle épouse le philosophe Nicolas de Condorcet. Elle ouvre un salon philosophique en 1787 et y reçoit de nombreux philosophes des Lumières. Elle eut un rôle important dans le féminisme de son mari, auteur du célèbre « Sur l’admission des femmes au droit de cité » (paru le 3 juillet 1790).

Mary Wollstonecraft (1759-1797)

Maîtresse d’école et philosophe est connue pour « A Vindication of the Rights of Woman » (1792), un pamphlet contre la société patriarcale de son temps et le manque d’éducation des femmes. À sa mort, son mari William Godwin publie « Memoirs » (sur la vie très libre de sa femme) qui aura un effet dévastateur : la réputation de Mary Wollstonecraft est détruite pour un siècle. Au travers du mouvement féministe moderne, Virginia Woolf ou Emma Goldman s’emparent de son histoire et célèbrent ses « expériences de vie ».

Harriet Taylor Mill (1807-1858)

Philosophe et féministe anglaise, elle épouse John Stuart Mill dont elle influencera les travaux. En particulier la neutralisation dans ses écrits : remplaçant systématiquement « man » ou « he » par « person » et, « men » par « people ». Mill proposera un amendement visant à remplacer « man » par « person » lors du vote du Reform Act de 1867, amendement qui, s’il avait été accepté, aurait donné accès au droit de vote aux femmes. Elle veut établir l’égalité entre hommes et femmes, dans l’éducation, le mariage et aux yeux de la loi.

Matilda Joslyn Gage (1826-1898)

Très jeune elle est envoyée en prison pour avoir enfreint le « Fugitive Slave Act », loi criminalisant l’assistance apportée aux esclaves. Féministe activiste, elle signe avec Lillie Devereux Blake la « Déclaration des droits des femmes du centenaire de 1876 ». Elle collabore, avec Elizabeth Cady Stanton et Susan B. Anthony, à la rédaction de « History of Woman Suffrage » (1881–1887).

Hubertine Auclert (1848-1914)

Notons deux actions phares et de bon sens. En 1880 provocation : elle essaie de s’inscrire sur les listes électorales de la mairie du Xe arrondissement. Plaidant dans le journal officiel, elle recommande à toute « personne » omise sur les listes à réclamer son inscription (« personne » un terme censé inclure homme et femme). Boycott fiscal : elle refuse de payer ses impôts, puisque l’expression « tous les français » l’exclut quand il s’agit de voter. Aussi elle demandera la féminisation de mots choisis comme témoin, avocat, électeur, député… rôles interdits aux femmes.

Huda Shaarawi (1879-1947)

De famille aisée, elle est mariée à 13 ans, 2 ans plus tard son mari lui impose une autre femme. Elle part et va étudier pendant 7 ans, puis reprend la vie conjugale. Présidente de l’union féministe en Égypte, son idée est de « ne rien perdre de la tendre protection de l’Islam » tout en faisant évoluer le statut de la femme. Geste fort : en mai 1923, à son retour de Rome (pour le 9e congrès de l’Alliance internationale pour le vote des femmes), elle enlève son voile à la descente du train et n’est pas lapidée par la foule.

Eileen Power (1889-1940)

Est chargée de cours en histoire de l’économie médiévale à LSE (London School of Economics). Dans son livre « Medieval Women », elle utilise l’histoire (son étude sur les femmes, leur position sociale et économique du XIIIe au XIVe siècles), comme objet de revendication. Elle questionne la véracité des sources établies et comment un homme d’une classe supérieure peut-il avoir une idée du quotidien d’une femme ?

Gisèle Halimi (1927-2020)

Militante féministe, elle est la seule avocate signataire du manifeste des 343, réunissant en 1971 des femmes déclarant avoir déjà avorté et réclamant le libre accès à l’avortement (alors interdit en France). Avec Simone de Beauvoir elles fondent le mouvement « Choisir la cause des femmes » (un mouvement de lutte pour la dépénalisation de l’avortement).

Toute sa vie, elle continuera à lutter contribuant par exemple à définir le viol comme un crime et non plus délit en droit français.

Liste établie notamment grâce au livre « Les mots des femmes » de Mona Ozouf (1995)

Femmes scientifiques

Hypatia (~360-415)

Philosophe néoplatonicienne, astronome et mathématicienne grecque d’Alexandrie. Difficile de dire exactement ce qu’elle a produit, néanmoins elle semble être la première scientifique femme de l’antiquité dont nous ayons gardé la trace ! Notamment de par sa mort tragique, assassinée par une foule à pâques 415.

Sophie Germain (1776-1831)

Une des premières femmes mathématiciennes, française, elle correspondait avec les plus grands de l’époque (Gauss, Lagrange, etc.). Première femme à avoir gagné le grand prix de l’Académie des sciences, pour un travail sur les vibrations des surfaces élastiques. Elle travailla surtout sur le grand théorème de Fermat, qu’elle n’a pas démontré néanmoins apporté d’importantes contributions.

Ada Byron de Lovelace (1815-1852)

Mathématicienne anglaise, elle aurait inventé le premier algorithme, et serait ainsi pionnière de la science informatique. Elle a « réinterprété » les machines très mécaniques de Charles Babbage en comprenant qu’on pouvait donner un sens abstrait aux objets manipulés pour en faire des algorithmes. Certains disent que c’est Babbage qui a tout inventé. Cas assez rare où la femme est reconnue pour la découverte dont certains disent que c’est l’homme ! D’habitude, c’est l’inverse !

Sofia Kovalevskaya (1850-1891)

Mathématicienne russe et première professeure d’université en mathématiques. Elle a démontré un résultat très important d’existence et d’unicité de solution d’équations aux dérivés partielles.

Lise Meitner (1878-1968)

Physicienne autrichienne, son histoire est ahurissante : elle travaillait avec Otto Hahn dans l’Allemagne nazie. Ensemble, ils réussissent à faire la première fission de l’atome d’uranium (ce qui a donné ensuite la bombe atomique, les centrales, etc.) Étant juive, Hahn lui suggère de s’enfuir d’Allemagne, ce qu’elle fait. Après son départ, Hahn envoie leurs travaux, sous son unique nom, à la revue Nature, qui les publie. Il eut le prix Nobel, pas elle.

Marie Curie (1867-1934)

Physicienne et chimiste polonaise, elle est la première femme nobélisée et seule femme à avoir reçu deux prix Nobels, qui plus est dans deux disciplines différentes. En 1903, avec Pierre Curie et Henri Becquerel, le prix Nobel de physique pour leurs recherches sur les radiations (radioactivité, rayonnement corpusculaire naturel). En 1911, le prix Nobel de chimie, pour ses travaux sur le polonium et le radium.

Emmy Noether (1882-1935)

Sa vie est un roman. Elle est reconnue par les plus grands comme « la mathématicienne la plus importante de l’histoire des mathématiques ». Son œuvre principale, dans la continuité des travaux de Madame du Chatelet, est le théorème de Noether : base de toute la physique moderne. Prodigieux, il s’énonce assez simplement : « Si un système physique a des propriétés de symétrie, alors il a une loi de conservation. »

Inge Lehmann (1888-1993)

Sismologue danoise, elle fait une contribution exceptionnelle à la compréhension de la structure, composition et dynamique du manteau ainsi que du noyau terrestre. Elle a découvert, en analysant des ondes sismiques, que la Terre avait un cœur intérieur solide et un cœur extérieur fondu.

Cecilia Payne-Gaposchkin (1900-1979)

Astronome anglo-américaine, elle fait une découverte magnifique : les étoiles sont faites d’hydrogène et d’hélium. Au départ tout le monde pensait que c’était absurde, car en contradiction avec les thèses d’un autre astronome, bien établi. Malgré son travail exceptionnel, elle a dû attendre longtemps afin d’être nommée professeur à Harvard, cela étant tout simplement interdit.

Rosalind Franklin (1920-1958)

Physicochimiste britannique, elle a photographié, avec une méthode de diffraction aux rayons X, la structure de l’ADN (le fameux cliché 51). L’histoire fait encore débat. Cependant James Dewey Watson et Francis Crick, aidés de Raymond Gosling, empruntent la photo. Ils en font la source pour leur article publié dans Nature, qui leur vaut le prix Nobel pour la découverte de la structure de l’ADN.

Liste établie par Jerôme Legras, (polytechnicien et mathématicien), il m’écrit : « à chaque fois ou presque, évidemment, on retrouve une histoire similaire : grande difficulté à faire accepter son travail, à avoir un poste à l’université (voire un diplôme), travail attribué à un homme… »

Femmes photographes

Anna Children-Atkins (1799-1871)

Botaniste anglaise, dessinatrice et pionnière du cyanotype. En 1839, elle devient membre de la Société botanique de Londres, l’une des rares sociétés savantes ouvertes aux femmes. Son herbier « British Algae : Cyanotype Impressions », développé de 1843 à 53, est le premier livre entièrement illustré de photographies.

Julia Margaret Cameron (1815-1879)

Ses enfants lui offrent une Chambre photographique pour Noël afin qu’elle essaie « la Photographie dans la solitude de son séjour à Freshwater » (Ile de White). Elle a 48 ans, enfants élevés et époux en long voyage. Elle crée un style est inédit ! Elle a immédiatement l’intuition de faire des tableaux en photo et uniquement des portraits. Néanmoins son approche reste normée : portraits d’hommes dans leur statut social ; de femmes pour leur beauté, comme des allégories. Considérée comme une excentrique, femme artiste, fait rarissime dans la société victorienne, sa carrière fut courte, 10 ans, et dense, avec 2 000 clichés connus.
Son œuvre ne tombera jamais dans l’oubli : tirages achetés de son vivant par le Victoria & Albert Museum, puis le courant pré-raphaélite et ses descendants œuvreront, avec en 1926 le célèbre texte de sa petite nièce, Virginia Woolf.
Œuvre marquante : « La Visitation », 1864, est inspirée des fresques de Giotto, jouant avec la composition et les drapés. Dès ses débuts, elle se place dans la tradition picturale, et non photographique. Elle a voyagé et vu toutes les peintures classiques, à Florence et ailleurs. Elle joue des flous, le net étant parfois juste sur la lumière dans les cheveux, à contre-courant de la photo de l’époque recherchant la netteté et la copie du réel.

(Source : exposition musée du Jeu de Paume, 2023)

Mary Dillwyn (1816-1906)

Photographe des premiers spontanés et sœur de John Dillwyn Llewelyn inventeur de l’« Oxymel Process » (négatifs de verre préparés à l’avance, permettant d’éviter le laboratoire portatif). Ses portraits sont très naturels, grâce au choix du petit format et son court temps d’exposition : elle serait l’auteur de la première photo d’un personnage souriant.

Geraldine Moodie (1854-1945)

Autodidacte et femme d’officier de police, elle profite de leurs nombreux déplacements, dus à différentes affectations, pour documenter les peuples autochtones : des frontières du Canada à l’Arctique. Elle réalise une très belle série de portraits de femmes inuites. Ultra professionnelle : elle signe sa production, enregistre ses droits d’auteur et négocie des contrats officiels.

Christina Broom (1862-1939)

Est reconnue comme « la première femme photographe de presse du Royaume-Uni ».

Ancrée dans son époque, elle photographie les marches de suffragettes, les images publicitaires du Women’s Sunday ou encore la marche de masse du 23 juillet 1910, où se rassemblèrent 10 000 femmes. Elle place l’objectif au plus près de ses sujets, créant un effet dramatique.

Imogen Cunningham (1883-1976)

Achète son premier appareil à 22 ans. Elle pratique assidûment la photographie de nu, des corps montrés de façon naturaliste. En 1915, elle photographie son mari : un nu masculin sous l’objectif d’une femme fait scandale à Seattle ! Elle retire les négatifs de la circulation pendant plus de 50 ans. Elle écrit en 1913 « Photography as a profession for Women », montrant qu’une femme peut devenir une grande photographe.

Hannah Höch (1889-1978)

Formidables photomontages, jouant avec des images découpées dans les médias, où la femme est objet de désir. Amante de Raoul Haussmann, elle est la seule femme du groupe Dada de Berlin.

Annapurna Dutta (1894-1976)

Parmi les premières femmes photographes du Bengale (Inde) à avoir vécu de sa photo. Fit un autoportrait avec sa chambre noire vers 1920, rare et précieux document d’archive.

Lucia Moholy (1894-1989)

Sous son objectif, des constructions graphiques dans l’esthétique Bauhaus, d’architecture ou d’objets, souvent utilisées pour promouvoir l’école. Femme de László Moholy-Nagy, ses travaux sont diffusés sans attribution : elle se battra juridiquement afin de récupérer ses négatifs. Également théoricienne, elle publiera « A Hundred Years of Photography » (1939).

Germaine Krull (1897-1985)

Dite « égérie de la modernité photographique », elle réalise des images hyper graphiques : structures métalliques, cadrage d’angles et contre-plongées. Elle passera ses dernières années en Inde, convertie au bouddhisme.

Voúla Papaïoánnou (1898-1990)

Portera un regard féminin sur la guerre. Touchée, elle photographie la population civile plutôt que les combats, pendant la guerre de 1940 en Grèce. Toute sa vie elle se concentrera sur son pays, ses souffrances, ses espoirs.

Cosette Harcourt (1900-1976)

Née Germaine Hirschfeld, fille d’immigrants allemands fin XIXe, elle est photographe et portraitiste à l’origine du célèbre Studio Harcourt. Ses clichés subliment le visage, par des jeux d’éclairages et de flous. Portraits légendaires de stars.

Lisette Model (1901-1983)

Émigre à New-York en 1938 où grattes ciels comme passants l’inspirent. Elle recadre arbitrairement ses instantanés au tirage, créant un effet de nouveauté et de modernité. Sa première rétrospective est organisée à L’Art Institute de Chicago en 1943.

Françoise Nuñez (1957-2021)

La belle andalouse qui épousa un ami de famille, Bernard Plossu. Elle photographie en noir et blanc, au 50 mm, essentiellement en Asie et Amérique du Sud. « Je ne photographie pratiquement qu’en voyage. Quand je pars, je ne pense qu’à ça, confiait-elle en 2012 au journal La Dépêche. Je veux être réceptive à tout, loin d’un quotidien et d’endroits que je connais trop bien. J’aime l’inattendu, la surprise, l’émotion de la découverte. Et j’essaye de faire ressentir toutes ces émotions. »

Liste établie avec les suggestions de Bernard Plossu (ami et photographe) ; les catalogues « Qui a peur des femmes photographes ? » (Éditions M/O’, 2015) et « Une histoire mondiale des femmes photographes (Éditions Textuel, 2020) ; ainsi que le site del’association AWARE (Archives of Women Artists, Research and Exhibitions).

Femmes vénitiennes et italiennes

Laura Cereta (1469-1499)

Féministe et humaniste, la majeure partie de ses écrits sont des correspondances. Veuve jeune, elle entame une carrière de professeur de philosophie à l’Université de Padoue. En 1488, elle rassemble 82 lettres introduites par un dialogue burlesque sur le décès d’un âne. Son manuscrit circule sous le nom « d’Epistolae familiares », elle est critiquée pour avoir « présumé que ses capacités intellectuelles pouvaient être égales à celles des hommes » ! Son manuscrit ne sera publié qu’au XVIIe siècle.

Veronica Gambara (14851550) by Simone de Beauvoir

Poétesse et dirigeante politique, elle apprend à lire et à composer des poésies en latin. Dès 17 ans elle correspond avec le poète Pietro Bembo, qui deviendra son mentor. Elle exprimera son deuil à travers la poésie. Elle joue un rôle actif dans la défense militaire de la province de Correggio lors de la guerre entre Charles Quint et François Ier. Elle adresse à cette occasion aux dirigeants des nations en guerre, des poèmes sur la nécessité de la paix.

Vittoria Colonna (14901547)

De culture humaniste, elle est née dans la puissante famille romaine Colonna. Entourée d’artistes, elle sera amie et sujet d’admiration de Michel-Ange, cependant « de mœurs irréprochables » (termes utilisés dans ses biographies). Proche des idées de la Réforme et correspondante des plus éminents esprits littéraires, Ludovico Ariosto la célèbrera dans une œuvre de trente-huit mille vers qui circula dans toute l’Europe à partir de 1532. Endeuillée elle publiera « Rime », objet de nombreuses éditions au XVIe siècle, puis oublié.

Gaspara Stampa (1523-1554)

Au décès du père, la famille s’installe à Venise. Elle vit parmi les cercles cultivés, les « ridotti » (salons), cependant l’opinion des vénitiens était très sévère envers les femmes vivant de façon indépendante. À la courtisane commençante s’est substituée l’amante d’un comte. « Rime d’amore » est son journal sur 5 ans de passion, publié 6 mois après sa mort. Venise était l’un des plus grands centres d’imprimerie à l’époque. Rare femme au catalogue « Poésie » de Gallimard, discipline pourtant autorisée aux femmes de tout temps.

« Mes pleurs cesseront-ils quelquefois de mouiller / ce sein, qui peine tant à retenir mon âme… »

Isabella Teotochi Albrizzi (1760-1836)

Auteure et amatrice d’art, elle épouse à 16 ans Carlo Antonio Marin et s’installe à Venise. Elle y tient un salon littéraire où passent Antonio Casanova, Vittorio Alfieri, Chateaubriand, Madame de Staël et Lord Byron… Ce dernier dira d’elle : « La comtesse Albrizzi est La de Staël de Venise ; (…) très cultivée, simple, naturelle (…). On lui doit un excellent ouvrage sur l’œuvre de Canova, ainsi qu’un volume de Caractères, entre autres publications. »

Marie Caroline de Berry (1798-1870)

Une vie entre tragédie et vaudeville. Née princesse de Naples et de Sicile, elle épouse le second fils du roi de France qui meurt dans un attentat. Mère du dernier héritier mâle de la maison des Bourbon, elle intentera pour lui une insurrection en France. Arrêtée, elle accouche en prison et scandale : on ne sait qui est le père ! Grand mécène, elle inspirera Alexandre Dumas et Chateaubriand. Femme dite indomptable, elle monte à cheval en pantalon et lance la mode des bains de mer.

Pauline Craven de La Ferronnays (1808-1891)

Fille d’ambassadeur, après Saint-Pétersbourg et Paris, la famille s’installe en poste en Italie.
En 1866, publication de son premier livre « Récit d’une sœur, souvenirs de famille », couronné par l’académie française et ayant plus de 25 ré-éditions en 6 ans. Suivent de nombreux romans et essais, particulièrement appréciés dans la culture catholique.

Olimpia Savio di Bernsteil (1815-1889)

Écrivaine et poétesse, elle anime l’un des salons les plus fréquentés de Turin, alors capitale. Des neuf volumes qui constituaient son journal, récits des anxiétés d’une femme et des aspirations d’une génération, un livre fut publié à titre posthume. Elle eut une abondante correspondance avec des personnalités italiennes. Considérée « parmi les femmes les plus intelligentes de son temps », elle s’était instruite selon la légende, en lisant la nuit et cachant les livres sous le matelas.

Anna Maria Mozzoni (1837-1920)

Journaliste et figure majeure du mouvement des suffragettes en Italie. Elle publie « La femme et ses relations sociales à l’occasion de la révision du Code civil italien », en 1864, une critique du droit de la famille italienne. « Doyenne du féminisme » italien, elle demande l’égalité au sein de la famille, le droit à la propriété, l’accès à l’éducation et aux professions ainsi que la protection des travailleuses.

Tina Modotti (1896-1942)

Une vie romanesque et dramatique aux dimensions sociales et politiques. Née à Udine, très pauvre, elle immigre aux USA à Los Angeles et devient l’amante et amie d’Edward Weston (photographe reconnu). À Mexico, elle embrasse le communisme puis, expulsée de ce pays, elle traverse l’Europe, se rend à Moscou, s’engage dans la guerre d’Espagne, avant d’arrêter définitivement la photo pour se consacrer aux actions militantes.

Liste établie avec les suggestions d’amis vénitiens comme Alain Lardet, ou découvertes dans le 2e sexe de Simone de Beauvoir.