Femmes vénitiennes et italiennes

Laura Cereta (1469-1499)

Féministe et humaniste, la majeure partie de ses écrits sont des correspondances. Veuve jeune, elle entame une carrière de professeur de philosophie à l’Université de Padoue. En 1488, elle rassemble 82 lettres introduites par un dialogue burlesque sur le décès d’un âne. Son manuscrit circule sous le nom « d’Epistolae familiares », elle est critiquée pour avoir « présumé que ses capacités intellectuelles pouvaient être égales à celles des hommes » ! Son manuscrit ne sera publié qu’au XVIIe siècle.

Veronica Gambara (14851550) by Simone de Beauvoir

Poétesse et dirigeante politique, elle apprend à lire et à composer des poésies en latin. Dès 17 ans elle correspond avec le poète Pietro Bembo, qui deviendra son mentor. Elle exprimera son deuil à travers la poésie. Elle joue un rôle actif dans la défense militaire de la province de Correggio lors de la guerre entre Charles Quint et François Ier. Elle adresse à cette occasion aux dirigeants des nations en guerre, des poèmes sur la nécessité de la paix.

Vittoria Colonna (14901547)

De culture humaniste, elle est née dans la puissante famille romaine Colonna. Entourée d’artistes, elle sera amie et sujet d’admiration de Michel-Ange, cependant « de mœurs irréprochables » (termes utilisés dans ses biographies). Proche des idées de la Réforme et correspondante des plus éminents esprits littéraires, Ludovico Ariosto la célèbrera dans une œuvre de trente-huit mille vers qui circula dans toute l’Europe à partir de 1532. Endeuillée elle publiera « Rime », objet de nombreuses éditions au XVIe siècle, puis oublié.

Gaspara Stampa (1523-1554)

Au décès du père, la famille s’installe à Venise. Elle vit parmi les cercles cultivés, les « ridotti » (salons), cependant l’opinion des vénitiens était très sévère envers les femmes vivant de façon indépendante. À la courtisane commençante s’est substituée l’amante d’un comte. « Rime d’amore » est son journal sur 5 ans de passion, publié 6 mois après sa mort. Venise était l’un des plus grands centres d’imprimerie à l’époque. Rare femme au catalogue « Poésie » de Gallimard, discipline pourtant autorisée aux femmes de tout temps.

« Mes pleurs cesseront-ils quelquefois de mouiller / ce sein, qui peine tant à retenir mon âme… »

Marietta Robusti (15541590)

Née à Venise, fille de Jacopo Robusti, dit Tintoretto qui lui enseigna la peinture et l’encouragea. Dite la Tintoretta, elle est une peintre italienne de la Renaissance tardive, connue pour ses portraits. Elle est morte prématurément en couche.

Moderata Fonte (1555-1592)

Femme de lettres vénitienne, reconnue comme l’une des pionnières du féminisme. Son ouvrage « Le mérite des femmes » dépeint 7 femmes : la veuve, la mariée, la célibataire, la jeune mariée, la vierge et les anciennes qui accusent, défendent et arbitrent, avec humour et perspicacité, la place des femmes. Cette publication eut une large influence en Italie et en Europe durant la Renaissance et inspira des œuvres consacrées à la dignité et l’excellence des femmes.

Isabella Teotochi Albrizzi (1760-1836)

Auteure et amatrice d’art, elle épouse à 16 ans Carlo Antonio Marin et s’installe à Venise. Elle y tient un salon littéraire où passent Antonio Casanova, Vittorio Alfieri, Chateaubriand, Madame de Staël et Lord Byron… Ce dernier dira d’elle : « La comtesse Albrizzi est La de Staël de Venise ; (…) très cultivée, simple, naturelle (…). On lui doit un excellent ouvrage sur l’œuvre de Canova, ainsi qu’un volume de Caractères, entre autres publications. »

Marie Caroline de Berry (1798-1870)

Une vie entre tragédie et vaudeville. Née princesse de Naples et de Sicile, elle épouse le second fils du roi de France qui meurt dans un attentat. Mère du dernier héritier mâle de la maison des Bourbon, elle intentera pour lui une insurrection en France. Arrêtée, elle accouche en prison et scandale : on ne sait qui est le père ! Grand mécène, elle inspirera Alexandre Dumas et Chateaubriand. Femme dite indomptable, elle monte à cheval en pantalon et lance la mode des bains de mer.

Pauline Craven de La Ferronnays (1808-1891)

Fille d’ambassadeur, après Saint-Pétersbourg et Paris, la famille s’installe en poste en Italie.
En 1866, publication de son premier livre « Récit d’une sœur, souvenirs de famille », couronné par l’académie française et ayant plus de 25 ré-éditions en 6 ans. Suivent de nombreux romans et essais, particulièrement appréciés dans la culture catholique.

Olimpia Savio di Bernsteil (1815-1889)

Écrivaine et poétesse, elle anime l’un des salons les plus fréquentés de Turin, alors capitale. Des neuf volumes qui constituaient son journal, récits des anxiétés d’une femme et des aspirations d’une génération, un livre fut publié à titre posthume. Elle eut une abondante correspondance avec des personnalités italiennes. Considérée « parmi les femmes les plus intelligentes de son temps », elle s’était instruite selon la légende, en lisant la nuit et cachant les livres sous le matelas.

Anna Maria Mozzoni (1837-1920)

Journaliste et figure majeure du mouvement des suffragettes en Italie. Elle publie « La femme et ses relations sociales à l’occasion de la révision du Code civil italien », en 1864, une critique du droit de la famille italienne. « Doyenne du féminisme » italien, elle demande l’égalité au sein de la famille, le droit à la propriété, l’accès à l’éducation et aux professions ainsi que la protection des travailleuses.

Tina Modotti (1896-1942)

Une vie romanesque et dramatique aux dimensions sociales et politiques. Née à Udine, très pauvre, elle immigre aux USA à Los Angeles et devient l’amante et amie d’Edward Weston (photographe reconnu). À Mexico, elle embrasse le communisme puis, expulsée de ce pays, elle traverse l’Europe, se rend à Moscou, s’engage dans la guerre d’Espagne, avant d’arrêter définitivement la photo pour se consacrer aux actions militantes.

Liste établie avec les suggestions d’amis vénitiens comme Alain Lardet, ou découvertes dans le 2e sexe de Simone de Beauvoir.

Femmes libres

Amanirenas (-40)

Reine de Méroé, elle fait la conquête d’une série de forts romains dans l’actuel Soudan. Elle rapporte en trophée la tête d’une sculpture en pieds monumentale de l’Empereur Auguste qu’elle fait enterrer sous l’escalier d’un temple dédié à la victoire.

Zénobie de Palmyre (240)

Régente d’un empire qui recouvre la Syrie, l’Arabie, l’Égypte et une partie de l’Asie Mineure. La cour de Palmyre était l’un des foyers intellectuels et artistiques les plus brillants de son époque.

Khadija Bint Khuwaylid(~560-619)

Décide d’épouser Mahomet. Elle consacrera sa fortune à la diffusion de l’Islam. Appelée « Mère des croyants ».

Wu Zetian (624-705)

Seule femme impératrice de Chine. Le titre et la fonction d’empereur étaient réservés aux hommes. Concubine, elle fait des alliances politiques et finira couronnée en 690, fondant sa propre Dynastie. Elle œuvre à l’amélioration du statut des femmes : funérailles publiques aux femmes sans-abri, soins aux veuves, hospices et maisons d’accueil pour jeunes filles…

Hildegarde de Bingen (1098-1179)

Abbesse bénédictine, écrivain, compositeur, philosophe, elle est considérée comme la fondatrice de l’histoire naturelle. Elle publie deux traités : « Physica » (9 livres) et « Causae et Curae ».

Pétronille de Chemillé (~1060-1149)

En 1115, elle devient la première abbesse de l’Abbaye de Fontevraud. Elle prend la tête d’une communauté de moines et de moniales, un ordre mixte, ce qui est inédit. Son nom ouvre la longue lignée des abbesses de Fontevraud (seules des femmes pourront diriger cette abbaye) et exprime le pouvoir et la liberté des femmes au Moyen Âge.

Jeanne d’Albret (1528-1572)

Reine de Navarre et mère du futur Henri IV (roi de France) elle se convertit officiellement au protestantisme. Elle sera jusqu’à sa mort le leader politique et religieux du mouvement protestant en France.

Émilie du Chatelet (1706-1749)

Enceinte, elle travaille avec un sentiment d’urgence à sa traduction de Newton en français (langue universelle au XVIIIe siècle). Elle termine la traduction du « Philosophia Naturalis prinicipa mathematica » (faisant toujours autorité aujourd’hui), et meurt en couche. Mathématicienne et physicienne, elle prouve expérimentalement que l’énergie cinétique est proportionnelle à la masse et au carré de la vitesse. Elle est une des principales actrices de la diffusion de la révolution scientifique en Europe durant le siècle des Lumières.

Laskarina Bouboulina (1771-1825)

Armatrice, elle hisse le drapeau grec (dessiné par ses soins) sur le mât de son navire de guerre, l’Agamemnon. Elle jouera un rôle fondamental dans la guerre d’indépendance de la Grèce contre les Ottomans.

Marguerite Yourcenar (1903-1987)

Le 6 mars 1980, elle est la première femme élue à l’Académie française. Elle dira dans une interview : « Quand on veut s’informer d’une personnalité du passé, on a mille fois plus de documents sur les hommes que sur les femmes. »

Indira Gandhi (1917-1984)

Le 24 janvier 1966, elle devient la première femme Premier Ministre de l’Inde. Elle mène la « Révolution verte » afin de soustraire son pays à sa dépendance vis-à-vis des puissances étrangères et garantir son autosuffisance alimentaire. Malgré un bilan contrasté, elle a essayé de moderniser l’Inde et meurt assassinée.

Simone Veil (1927-2017)

17 janvier 1975, vote de la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse, après une longue bataille.

Liste établie par Caroline Becker (archiviste paléographe)

L’idée étant de retracer des moments historiques marquants dans la quête liberté et d’indépendance de la femme à travers le monde et les siècles.

Femmes Aventurières

Aphra Behn (~1640-1689)

Voyageuse, espionne et auteur, elle fut la première femme de lettres anglaise à vivre de sa plume. Son roman « Oroonoko » est l’un des premiers récits anti-esclavagistes, dont le héros, un prince africain, devient esclave, novateur ! « Aphra Behn prouva qu’on pouvait gagner de l’argent (…) et peu à peu, le fait d’écrire cessa d’être considéré comme un signe de folie ». Virginia Woolf

Sophie von La Roche (1730-1807)

Première écrivaine à vivre de sa plume dans l’espace germanophone. Son mari tombé en disgrâce, elle développe la première revue de langue allemande publiée par une femme pour des femmes ainsi que des romans, afin de subvenir au ménage. Voyageuse, elle tente l’ascension du Mont Blanc à plus de 50 ans, son récit est considéré comme le premier reportage sportif.

Jeanne Barret (1740-1807)

Botaniste et exploratrice, regardée comme la première femme à avoir fait le tour du monde. Elle embarquera avec l’expédition de Bougainville sur « La Boudeuse et l’Etoile », déguisée en homme, les femmes n’ayant pas le droit de faire partie de l’équipage d’un navire.

Ida Laura Pfeiffer (1797-1858)

Dans la vitrine d’un bouquiniste mon regard est attiré par un titre « Voyage d’une femme autour du monde ». Elle commence vers 50 ans, une fois veuve, enfants élevés, seule et sans moyens financiers : cinq voyages en seize ans, dont deux tours du monde. Le récit de ses voyages est publié, son écriture est simple, son regard presque naïf, néanmoins sans compromis sur les colonies.

Isabella Bird (1831-1904)

À 23 ans, son père lui donne 100 livres Sterling pour partir en Amérique, à son retour elle publie anonymement « The Englishwoman in America ». Elle financera ses voyages grâce à la publication de récits accompagnés de photographies : Australie, Hawaii, Far West, Japon, Chine, Corée, Vietnam, Inde, Tibet, Turquie, Perse… Elle sera la première femme à entrer à la « Royal Geographical Society » et à la « Royal Photographic Society ».

Alexandrine Tinne (1835-1869)

Au décès de son père, elle devient l’une des plus riches héritières des Pays-Bas et commence à voyager avec sa mère : Norvège, Italie, Moyen-Orient et Égypte (1856). Elle débute la photographie au collodion humide afin de documenter ses voyages. Seconde expédition en Égypte en 62, avec de riches résultats scientifiques et géographiques, mais durant lequel elle perd mère et tante. Elle reste en Orient, puis repart vers la Lybie, le Darfour et le Tchad où elle est assassinée.

Jeanne Isabelle Massieu (1844-1932)

Une fois veuve, elle commence avec la Mésopotamie, le Liban et la Syrie ; puis Ceylan et l’Inde. Suivi d’un grand tour d’Asie en pirogue et à cheval, où elle chemine à travers la jungle : Indochine, Thaïlande, Birmanie, Singapour puis la Chine et le Japon. À 64 ans, ce sera l’Himalaya et la première femme française à entrer au Népal. Elle rapporte récits et photographies des populations.

Jane Dieulafoy (1851-1916)

Archéologue, romancière et photographe, elle part à 30 ans pour la Perse avec son époux. Elle est chargée de la photographie de l’expédition. Parlant persan, elle se déplace en pays musulman travestie en homme (cheveux courts et habits masculins), où elle répertorie et photographie notamment tous les monuments.

Myriam Harry (~1869- 1958)

Née à Jérusalem, éduquée par un père antiquaire, elle parle anglais, allemand, russe et arabe. Après un temps à Berlin, elle immigre à Paris où son roman « La Conquête de Jérusalem » la fera première lauréate du prix Fémina en 1904. Pour la presse, elle voyagera comme journaliste notamment au Moyen Orient, nourrie de la double culture orient-occident.

Emily Hahn (1905-1997)

Journaliste et auteure américaine prolifique (54 livres et des articles). En 1926, elle est la première femme diplômée en ingénierie minière du Wisconsin. Grande voyageuse : elle traverse l’Afrique à pied dans les années 1930 ; part au Japon et en Chine en 1935. Installée à Shanghai, elle fera le pont entre les milieux intellectuels chinois et occidentaux.

Sources diverses, destins rencontrés au cours de hasards et femmes photographes

Femmes poètesse et auteures

Enheduanna (-2300 av JC)

Probablement le plus ancien auteur littéraire… Fille de Sargon d’Akkad, son père conquiert Ur et la nomme grande prêtresse de la prospère capitale sumérienne en Mésopotamie (Irak actuel). Un soulèvement l’en chasse, et inspire la rédaction des « Hymnes aux temples », supplications manuscrites dont nous avons trace. Un texte exceptionnel : premier texte dont l’auteur est identifié et c’est une femme !

« Mon propre procès n’est pas achevé, pourtant un verdict adverse me contraint comme s’il s’agissait du verdict me concernant. » Il y a 43 siècles un texte écrit à la première personne !

Sapphô (-630)

On possède peu de données sûres concernant Sapphô. Même si plus de 100 auteurs anciens l’ont citée ou ont parlé d’elle, un seul poème nous est parvenu dans son intégralité : l’Hymne à Aphrodite. Débauche ? Homosexualité ? Hétérosexualité ? L’enseignement de Sapphô au thiase était une véritable initiation à la liberté pour jeunes filles, qui dans la société de l’époque n’étaient pas citoyennes, juste épouse, procréatrice et gardienne des intérieurs.

« Car ma langue outrée toute force perdit,
Un subtil feu prompt me courut tout partout
Vint ravir mes sens : je ne vois du tout plus
Même je n’oy plus. » (Traduit par J.A. de Baïf, 1555)

Aspasie de Milet (-450)

Vers 450 av. J.-C. elle arrive à Athènes. En tant que femme étrangère, elle peut être indépendante et payer des impôts, ce qui l’autorise à participer aux débats publics. Égérie de Périclès, amie de Socrate, elle devient le centre de la vie intellectuelle athénienne. Elle est citée, entre autres, dans les écrits de Platon et Plutarque… Souvent dépeinte comme courtisane et manipulatrice, l’admiration qu’elle suscitât devait autant à sa remarquable intelligence qu’à sa beauté.

Sulpicia (-69)

Seule femme poète de la Rome antique dont l’œuvre nous soit parvenue. Ses 6 élégies ont été publiées avec les écrits d’Albius Tibullus, ce qui perturba la crédibilité de l’auteur, longtemps contestée. Au XVIIIe, Christian Gottlob Heyne, érudit allemand, la confirment comme auteure. Ses poèmes offrent une perspective unique car il s’agit du regard d’une femme sur les femmes.

Traduction très libre : « Mon péché est ma joie ! Je ne veux me soucier de ce que les autres pensent. Je suis aussi digne de lui qu’il l’est de moi. »

Christine de Pizan(1364-1430)

Née à Venise, elle est la première femme auteure de langue française à avoir vécu de sa plume. Le décès de son époux la jette dans de grands soucis financiers, pourtant ni elle ne se remarie, ni ne rentre au couvent. En 1405, publication de « la Cité des dames », premier livre féministe de l’histoire de la littérature française. Fine et drôle, elle utilise la bible pour introduire chacun de ses propos afin de contourner la censure.

Louise Labé (1524-1566)

Nous connaissons seulement 662 vers des ses écrits. Elle appartient au groupe dit de « l’école lyonnaise », alors centre économique et culturel grâce à ses salons et ses imprimeries. Doutes émis : serait-elle une fiction élaborée par un groupe de poètes ? Par ailleurs elle contribue à faire redécouvrir Sapphô.

« Mais ayant passé partie de ma jeunesse à l’exercice de la Musique, et ce qui m’a resté de tems l’ayant trouvé court (…) notre sexe, de le voir non en beauté seulement, mais en science et vertu passer ou egaler les hommes : je ne puis autre chose que prier les vertueuses Dames d’eslever un peu leurs esprits par-dessus leurs quenoilles et fuseaus… »

Margaret Cavendish (1623-1673)

Aristocrate anglaiseécrivaine, philosophe et scientifique. Elle est connue principalement pour son roman « Le Monde glorieux ». Elle défend son droit à écrire, à publier des poèmes et des idées philosophiques en tant que femme : « Les femmes vivent comme des blattes ou des chouettes, elles meurent comme des vers. » Critiquée et ridiculisée, elle finit par se retirer dans ses domaines.

Anne Finch (1661-1720)

Comtesse de Winchelsea poète et courtisane anglaise. Elle déplore la position des femmes en littérature et à la cour. Elle aimerait l’égalité mentale et spirituelle des sexes. Elle fait référence à d’autres auteures de l’époque, comme Aphra Behn ou Katherine Phillips.

« Alas! a woman that attempts the pen,
Such an intruder on the rights of men,
Such a presumptuous Creature, is esteem’d,
The fault, can by no virtue be redeem’d. »

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)

Née dans une famille d’artisans qui sera ruinée par la Révolution, elle est poète autodidacte. Admirée par Balzac, Baudelaire, Louis Aragon, elle est, selon Verlaine, la seule femme de génie et de talent de ce siècle. En 1819, elle publie un premier recueil : Élégies, Marie et Romances, au caractère novateur, faisant d’elle une pionnière de la poésie romantique.

Lou Andréas Salomé (1861-1937)

Russe, philosophe et libre. Elle sillonne l’Europe au gré de ses rencontres intellectuelles. Elle a de grandes amitiés avec Friedrich Nietzche (qui voudra l’épouser), Rainer Maria Rilke et Sigmund Freud. Elle publie 20 livres et 120 articles entre 1895 et 1934. Elle n’a voulu ni tombeau, ni publications posthumes.

Catherine Pozzi (1882-1934)

Prématurément sans père, sans mari et atteinte de la tuberculose, elle passe son baccalauréat à 37 ans. Divorcée, elle a une correspondance fertile et une longue liaison avec Paul Valéry (déjà marié). Un seul poème fut publié de son vivant (1929), suivi d’autres après son décès, grâce à l’attention notamment, de Jean Paulhan (NRF) et André Gide. Rare femme au catalogue « Poésie » de Gallimard, discipline pourtant autorisée aux femmes de tout temps.

« Je me cherche dans l’inconnu / Un nom libre de la mémoire. »
« Le bonheur vit, jusqu’à l’instant de voir / Par-dessus la haie, outre la barrière. »

Virginia Woolf (1882 – 1941)

Fragile, à 24 ans, déjà orpheline, son frère décède brutalement. Il était sa source d’ouverture et lui présenta son futur mari (et celui de sa sœur) parmi le groupe intellectuel « Bloomsbury » (dont noyau initial s’est formé à Cambridge) et dont elle devient un pivot. Une série de conférences à Cambridge auprès jeunes filles, donne naissance à « Une chambre à soi », publiée en 1929. Toute sa vie, la proximité de ses amis et famille, sera à la fois soutiens et source d’échanges, malgré sa dépression chronique.

« Imaginez que les hommes aient toujours été représentés dans la littérature sous l’aspect d’amants de femme et jamais sous celui d’amis d’hommes, de soldats, de penseurs, de rêveurs. »

Simone de Beauvoir (1908-1986)

Philosophe et romancière, elle est en union avec Jean-Paul Sartre. Considérée comme une actrice majeure du féminisme, notamment avec son livre « Le Deuxième Sexe » qu’elle publie en 1949. Elle y révèle et réhabilite de nombreuses femmes oubliées. Ce sera une source féconde pour mes recherches.

Femmes compositrices

Khosrovidoukht de Goghtn (~710)

On connait peu de choses de sa vie. Néanmoins elle faisait partie de la famille royale d’une région d’Arménie. Redécouverte au XIXe, lui est attribuée la composition d’un « šarakan », (hymne canonique) « Zarmanali e Ints » (737) dont il existe un enregistrement moderne, magnifique. L’un des premiers exemples de la musique arménienne avec développement mélodique.

Écouter : https://www.youtube.com/watch?v=ELu2_Msb9Sw

Sahakdoukht de Sioumie (~720)

Sœur du musicologue et traducteur Stepanos Syunetsi. Après le meurtre de celui-ci, en grand deuil, elle part vivre en ascète dans une grotte, où elle créa poèmes et chants lithurgiques chrétiens. Sibil (auteure arménienne) souligne qu’en 1909 l’Arménie ne s’intéresse plus à l’éducation des femmes, contrairement au VIIIe siècle où Sahakdoukht avait pu créer une école de musique.

Kassia (~810- 865)

Ou Cassienne de Constantinople, abbesse byzantine, poétesse et compositrice, elle est l’une des rares compositrices médiévales dont les manuscrits (musique et textes) nous soient parvenus. Féministe avant l’heure, elle met la femme en valeur dans ses hymnes, par exemple la pécheresse qui embrasse les pieds de Jésus, parle et n’est pas une prostituée. Engagée contre l’ignorance dans ses textes elle écrit : « Il n’y a pas de remède contre la stupidité ».

Écouter : https://www.youtube.com/watch?v=u1k_eKhTwvs

Maddalena Casulana (1544-1590)

Compositrice, luthiste et chanteuse italienne de la renaissance. En 1568, elle publie à Venise son premier livre de madrigaux pour quatre voix « Il primo libro di madrigali ».

Elle serait la première compositrice féminine à avoir publier un recueil entier dans l’histoire de la musique occidentale. En 15701583 et 1586 elle publie d’autres livres de madrigaux, tous à Venise.

Écouter : https://www.musicme.com/#/Maddalena-Casulana/

Anna Isabella Leonarda (1620-1704)

À 16 ans, elle entre au couvent de Novare (Italie), dont sa famille est bienfaitrice. Les nonnes étaient des « vierges sacrées ». Cependant leurs talents musicaux étaient des trésors civiques et leurs performances très populaires. Elle est l’une des compositrices les plus productives de son temps, touchant tous les genres sacrés avec 200 compositions sur une période de 60 ans (en partie imprimées par Gasparo Casati).

Écouter : https://www.musicme.com/#/Isabella-Leonarda/

Louise Farrenc (1804-1875)

Née à Paris, elle étudie piano et harmonie. Elle épouse un flutiste et éditeur de musique qui soutiendra sa prolifique création. Professeur de piano au conservatoire, elle se bat pour l’égalité de salaire. Elle reçut deux fois le Prix Chartier (1861 et 1869), destiné à récompenser l’excellence d’une composition musicale et décerné par l’Institut de France. En 81 ans, de 1861 à 1942, seules deux autres femmes obtiendront ce prix aux cotés de Louise.

Écouter : https://www.youtube.com/watch?v=z7hAY1z4ncI

Fanny Mendelssohn-Hensel (1805-1847)

En raison des réserves de sa famille et des conventions sociales de l’Allemagne de l’époque, un certain nombre de ses œuvres ont été publiées sous le nom de son frère, notamment dans les collections opus 8 et 9. Subissant la pression familiale, elle n’ose faire publier ses compositions qu’un an avant sa mort : un recueil de chansons sous le titre d’Opus 1 en 1846. Depuis 30 ans, sa vie et ses œuvres font l’objet de recherches rétablissant son génie.

Écouter : https://www.musicme.com/#/Fanny-Hensel-Mendelssohn/

Emilie Mayer (1812-1883)

Née à Friedland, son indépendance financière lui permet de se consacrer à la composition. Héritière, elle autofinance ses concerts et rencontre le succès. Néanmoins, aucun grand éditeur allemand ne la publie, la condamnant à l’oubli. Le critique Flodoard Geyer dira : « Ce que peuvent atteindre des forces féminines, forces de second ordre, Émilie Mayer l’a conquis », ces mots sont l’expression du contexte de l’époque. Elle compose 8 symphonies, des musiques de chambre… qui se caractérisent par de brusques changements de tonalités.

Écouter : https://www.youtube.com/watch?v=pmFHdH706Ms

Clara Wieck Schumann (1819-1896)

Pianiste et compositrice allemande. En 1835, elle compose un concerto pour piano Opus 7 sous la baguette de Felix Mendelssohn. Son père imagine pour elle une carrière de virtuose internationale et s’oppose à son mariage avec Robert Schumann. Après bataille, elle l’épouse et a 8 enfants. Trop occupée, elle reste pianiste mais ne compose presque plus. Elle composera essentiellement entre 14 et 16 ans.

Écouter : https://www.youtube.com/watch?v=BD6xhB4jS9s

Marie Jaëll (1846-1925)

Compositrice et pianiste virtuose, elle est veuve à 35 ans. Elle étudie la composition avec César Franck et Camille Saint-Saëns avant d’être la première femme admise à la Société des Compositeurs de Paris. Prolifique avec plus de 70 œuvres, Liszt lui déclare : « Un nom d’homme et vos partitions seraient sur tous les pianos ». Elle propose une profonde réforme de l’enseignement du piano où l’automatisme et la répétition laissent place à la « méthode du toucher ».

Écouter : https://www.youtube.com/watch?v=Z9CrBiU62BA

Cécile Chaminade (1857-1944)

Née à Paris, son père refuse qu’elle intègre le conservatoire. Elle suit donc un enseignement musical privé. Pianiste virtuose, Georges Bizet la surnommait « mon petit Mozart ». En 1908 elle fait salle comble aux États-Unis et au Canada. Compositrice de style romantique, son œuvre comporte 200 pièces pour piano, des œuvres symphoniques, un opéra-comique… ses compositions sont jouées dans le monde entier.

Écouter : https://www.youtube.com/watch?v=oapbWP639z8

Amy Marcy Beach (1867-1944)

Née dans le new Hampshire, enfant prodige, elle est formée au piano par sa mère puis par Ernst Perabo et Karl Bärmann, à Boston. Prolifique en composition, elle signe du nom de son mari : « Mrs H.H.A. Beach ». Elle joue ses créations en tournée dont une triomphale en Europe entre 1911 et 14. Sa symphonie « Gaélique » est la première symphonie composée et publiée par une américaine (1896). Son œuvre de plus de 300 pièces embrasse tous les genres, sauf l’opéra.

Écouter : <https://www.youtube.com/watch?v=sBkqCBe-EXk

Liste établie au départ grâce à http://drama-musica.com/Blog/TheBigList.html

Puis avec les suggestions de Laurence Equilbey (chef d’orchestre) et les portraits de « La boîte à pépites » (une idée originale d’Héloïse Luzzati).

Femmes engagées

Françoise de Maintenon (1635-1719)

Célèbre maîtresse de Louis XIV, son action éducative est néanmoins largement méconnue. Elle mène à bien la création de la « Maison royale de Saint Louis » à Saint Cyr, fondée le 15 août 1684. Il s’agit de la première école séculaire pour jeunes filles ayant pour objectif affiché de leur inculquer une éducation plus solide que dans les couvents : comprenant arithmétique, grammaire, histoire, langue, art…

Olympe de Gouges (1748-1793)

Découverte grâce à un podcast où Julie Depardieu lit la Déclaration DFC

Figure de proue de la Révolution française, sa célèbre phrase « Si les femmes ont droit à l’échafaud, qu’elles aient aussi la tribune. » est emblématique. Elle s’est battue pour le droit de vote, de divorce, d’éducation… Elle a écrit des tracts, affiches et pièces de théâtre grand public (celle sur l’esclavage donnée à la Comédie Française n’a été jouée qu’une seule fois tant le scandale fût grand). La pierre angulaire de son œuvre est « La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne ».

Germaine de Staël-Holstein (1766-1817)

Romancière, philosophe et fille de Jacques Necker (ministre des finances de Louis XVI), elle ouvre son propre Salon à Paris. En 1802, le Consul Napoléon Bonaparte prononce sans procès son ordre d’exil. Un de ses contemporains écrira : « trois grands pouvoirs en Europe sont à l’œuvre pour contrer Napoléon : l’Angleterre, la Russie et Madame de Staël ». Les « Considérations sur les principaux événements de la Révolution Française » est un ouvrage fondateur de l’historiographie révolutionnaire.

Sophie de Condorcet (1763-1822)

Née Sophie Marie Louise de Grouchy, elle épouse le philosophe Nicolas de Condorcet. Elle ouvre un salon philosophique en 1787 et y reçoit de nombreux philosophes des Lumières. Elle eut un rôle important dans le féminisme de son mari, auteur du célèbre « Sur l’admission des femmes au droit de cité » (paru le 3 juillet 1790).

Mary Wollstonecraft (1759-1797)

Maîtresse d’école et philosophe est connue pour « A Vindication of the Rights of Woman » (1792), un pamphlet contre la société patriarcale de son temps et le manque d’éducation des femmes. À sa mort, son mari William Godwin publie « Memoirs » (sur la vie très libre de sa femme) qui aura un effet dévastateur : la réputation de Mary Wollstonecraft est détruite pour un siècle. Au travers du mouvement féministe moderne, Virginia Woolf ou Emma Goldman s’emparent de son histoire et célèbrent ses « expériences de vie ».

Harriet Taylor Mill (1807-1858)

Philosophe et féministe anglaise, elle épouse John Stuart Mill dont elle influencera les travaux. En particulier la neutralisation dans ses écrits : remplaçant systématiquement « man » ou « he » par « person » et, « men » par « people ». Mill proposera un amendement visant à remplacer « man » par « person » lors du vote du Reform Act de 1867, amendement qui, s’il avait été accepté, aurait donné accès au droit de vote aux femmes. Elle veut établir l’égalité entre hommes et femmes, dans l’éducation, le mariage et aux yeux de la loi.

Matilda Joslyn Gage (1826-1898)

Très jeune elle est envoyée en prison pour avoir enfreint le « Fugitive Slave Act », loi criminalisant l’assistance apportée aux esclaves. Féministe activiste, elle signe avec Lillie Devereux Blake la « Déclaration des droits des femmes du centenaire de 1876 ». Elle collabore, avec Elizabeth Cady Stanton et Susan B. Anthony, à la rédaction de « History of Woman Suffrage » (1881–1887).

Hubertine Auclert (1848-1914)

Notons deux actions phares et de bon sens. En 1880 provocation : elle essaie de s’inscrire sur les listes électorales de la mairie du Xe arrondissement. Plaidant dans le journal officiel, elle recommande à toute « personne » omise sur les listes à réclamer son inscription (« personne » un terme censé inclure homme et femme). Boycott fiscal : elle refuse de payer ses impôts, puisque l’expression « tous les français » l’exclut quand il s’agit de voter. Aussi elle demandera la féminisation de mots choisis comme témoin, avocat, électeur, député… rôles interdits aux femmes.

Huda Shaarawi (1879-1947)

De famille aisée, elle est mariée à 13 ans, 2 ans plus tard son mari lui impose une autre femme. Elle part et va étudier pendant 7 ans, puis reprend la vie conjugale. Présidente de l’union féministe en Égypte, son idée est de « ne rien perdre de la tendre protection de l’Islam » tout en faisant évoluer le statut de la femme. Geste fort : en mai 1923, à son retour de Rome (pour le 9e congrès de l’Alliance internationale pour le vote des femmes), elle enlève son voile à la descente du train et n’est pas lapidée par la foule.

Eileen Power (1889-1940)

Est chargée de cours en histoire de l’économie médiévale à LSE (London School of Economics). Dans son livre « Medieval Women », elle utilise l’histoire (son étude sur les femmes, leur position sociale et économique du XIIIe au XIVe siècles), comme objet de revendication. Elle questionne la véracité des sources établies et comment un homme d’une classe supérieure peut-il avoir une idée du quotidien d’une femme ?

Gisèle Halimi (1927-2020)

Militante féministe, elle est la seule avocate signataire du manifeste des 343, réunissant en 1971 des femmes déclarant avoir déjà avorté et réclamant le libre accès à l’avortement (alors interdit en France). Avec Simone de Beauvoir elles fondent le mouvement « Choisir la cause des femmes » (un mouvement de lutte pour la dépénalisation de l’avortement).

Toute sa vie, elle continuera à lutter contribuant par exemple à définir le viol comme un crime et non plus délit en droit français.

Liste établie notamment grâce au livre « Les mots des femmes » de Mona Ozouf (1995)

Femmes scientifiques

Hypatia (~360-415)

Philosophe néoplatonicienne, astronome et mathématicienne grecque d’Alexandrie. Difficile de dire exactement ce qu’elle a produit, néanmoins elle semble être la première scientifique femme de l’antiquité dont nous ayons gardé la trace ! Notamment de par sa mort tragique, assassinée par une foule à pâques 415.

Sophie Germain (1776-1831)

Une des premières femmes mathématiciennes, française, elle correspondait avec les plus grands de l’époque (Gauss, Lagrange, etc.). Première femme à avoir gagné le grand prix de l’Académie des sciences, pour un travail sur les vibrations des surfaces élastiques. Elle travailla surtout sur le grand théorème de Fermat, qu’elle n’a pas démontré néanmoins apporté d’importantes contributions.

Ada Byron de Lovelace (1815-1852)

Mathématicienne anglaise, elle aurait inventé le premier algorithme, et serait ainsi pionnière de la science informatique. Elle a « réinterprété » les machines très mécaniques de Charles Babbage en comprenant qu’on pouvait donner un sens abstrait aux objets manipulés pour en faire des algorithmes. Certains disent que c’est Babbage qui a tout inventé. Cas assez rare où la femme est reconnue pour la découverte dont certains disent que c’est l’homme ! D’habitude, c’est l’inverse !

Sofia Kovalevskaya (1850-1891)

Mathématicienne russe et première professeure d’université en mathématiques. Elle a démontré un résultat très important d’existence et d’unicité de solution d’équations aux dérivés partielles.

Lise Meitner (1878-1968)

Physicienne autrichienne, son histoire est ahurissante : elle travaillait avec Otto Hahn dans l’Allemagne nazie. Ensemble, ils réussissent à faire la première fission de l’atome d’uranium (ce qui a donné ensuite la bombe atomique, les centrales, etc.) Étant juive, Hahn lui suggère de s’enfuir d’Allemagne, ce qu’elle fait. Après son départ, Hahn envoie leurs travaux, sous son unique nom, à la revue Nature, qui les publie. Il eut le prix Nobel, pas elle.

Marie Curie (1867-1934)

Physicienne et chimiste polonaise, elle est la première femme nobélisée et seule femme à avoir reçu deux prix Nobels, qui plus est dans deux disciplines différentes. En 1903, avec Pierre Curie et Henri Becquerel, le prix Nobel de physique pour leurs recherches sur les radiations (radioactivité, rayonnement corpusculaire naturel). En 1911, le prix Nobel de chimie, pour ses travaux sur le polonium et le radium.

Emmy Noether (1882-1935)

Sa vie est un roman. Elle est reconnue par les plus grands comme « la mathématicienne la plus importante de l’histoire des mathématiques ». Son œuvre principale, dans la continuité des travaux de Madame du Chatelet, est le théorème de Noether : base de toute la physique moderne. Prodigieux, il s’énonce assez simplement : « Si un système physique a des propriétés de symétrie, alors il a une loi de conservation. »

Inge Lehmann (1888-1993)

Sismologue danoise, elle fait une contribution exceptionnelle à la compréhension de la structure, composition et dynamique du manteau ainsi que du noyau terrestre. Elle a découvert, en analysant des ondes sismiques, que la Terre avait un cœur intérieur solide et un cœur extérieur fondu.

Cecilia Payne-Gaposchkin (1900-1979)

Astronome anglo-américaine, elle fait une découverte magnifique : les étoiles sont faites d’hydrogène et d’hélium. Au départ tout le monde pensait que c’était absurde, car en contradiction avec les thèses d’un autre astronome, bien établi. Malgré son travail exceptionnel, elle a dû attendre longtemps afin d’être nommée professeur à Harvard, cela étant tout simplement interdit.

Rosalind Franklin (1920-1958)

Physicochimiste britannique, elle a photographié, avec une méthode de diffraction aux rayons X, la structure de l’ADN (le fameux cliché 51). L’histoire fait encore débat. Cependant James Dewey Watson et Francis Crick, aidés de Raymond Gosling, empruntent la photo. Ils en font la source pour leur article publié dans Nature, qui leur vaut le prix Nobel pour la découverte de la structure de l’ADN.

Liste établie par Jerôme Legras, (polytechnicien et mathématicien), il m’écrit : « à chaque fois ou presque, évidemment, on retrouve une histoire similaire : grande difficulté à faire accepter son travail, à avoir un poste à l’université (voire un diplôme), travail attribué à un homme… »

Femmes photographes

Anna Children-Atkins (1799-1871)

Botaniste anglaise, dessinatrice et pionnière du cyanotype. En 1839, elle devient membre de la Société botanique de Londres, l’une des rares sociétés savantes ouvertes aux femmes. Son herbier « British Algae : Cyanotype Impressions », développé de 1843 à 53, est le premier livre entièrement illustré de photographies.

Julia Margaret Cameron (1815-1879)

Amateur, sa fille lui offre sa première chambre photographique pour ses 48 ans, un an plus tard elle devient membre de la Société photographique de Londres. Elle réalise des portraits de célébrités et d’amis, inspirés par la peinture préraphaélite et empreints de douceur.

Mary Dillwyn (1816-1906)

Photographe des premiers spontanés et sœur de John Dillwyn Llewelyn inventeur de l’« Oxymel Process » (négatifs de verre préparés à l’avance, permettant d’éviter le laboratoire portatif). Ses portraits sont très naturels, grâce au choix du petit format et son court temps d’exposition : elle serait l’auteur de la première photo d’un personnage souriant.

Geraldine Moodie (1854-1945)

Autodidacte et femme d’officier de police, elle profite de leurs nombreux déplacements, dus à différentes affectations, pour documenter les peuples autochtones : des frontières du Canada à l’Arctique. Elle réalise une très belle série de portraits de femmes inuites. Ultra professionnelle : elle signe sa production, enregistre ses droits d’auteur et négocie des contrats officiels.

Christina Broom (1862-1939)

Est reconnue comme « la première femme photographe de presse du Royaume-Uni ».

Ancrée dans son époque, elle photographie les marches de suffragettes, les images publicitaires du Women’s Sunday ou encore la marche de masse du 23 juillet 1910, où se rassemblèrent 10 000 femmes. Elle place l’objectif au plus près de ses sujets, créant un effet dramatique.

Imogen Cunningham (1883-1976)

Achète son premier appareil à 22 ans. Elle pratique assidûment la photographie de nu, des corps montrés de façon naturaliste. En 1915, elle photographie son mari : un nu masculin sous l’objectif d’une femme fait scandale à Seattle ! Elle retire les négatifs de la circulation pendant plus de 50 ans. Elle écrit en 1913 « Photography as a profession for Women », montrant qu’une femme peut devenir une grande photographe.

Hannah Höch (1889-1978)

Formidables photomontages, jouant avec des images découpées dans les médias, où la femme est objet de désir. Amante de Raoul Haussmann, elle est la seule femme du groupe Dada de Berlin.

Annapurna Dutta (1894-1976)

Parmi les premières femmes photographes du Bengale (Inde) à avoir vécu de sa photo. Fit un autoportrait avec sa chambre noire vers 1920, rare et précieux document d’archive.

Lucia Moholy (1894-1989)

Sous son objectif, des constructions graphiques dans l’esthétique Bauhaus, d’architecture ou d’objets, souvent utilisées pour promouvoir l’école. Femme de László Moholy-Nagy, ses travaux sont diffusés sans attribution : elle se battra juridiquement afin de récupérer ses négatifs. Également théoricienne, elle publiera « A Hundred Years of Photography » (1939).

Germaine Krull (1897-1985)

Dite « égérie de la modernité photographique », elle réalise des images hyper graphiques : structures métalliques, cadrage d’angles et contre-plongées. Elle passera ses dernières années en Inde, convertie au bouddhisme.

Voúla Papaïoánnou (1898-1990)

Portera un regard féminin sur la guerre. Touchée, elle photographie la population civile plutôt que les combats, pendant la guerre de 1940 en Grèce. Toute sa vie elle se concentrera sur son pays, ses souffrances, ses espoirs.

Cosette Harcourt (1900-1976)

Née Germaine Hirschfeld, fille d’immigrants allemands fin XIXe, elle est photographe et portraitiste à l’origine du célèbre Studio Harcourt. Ses clichés subliment le visage, par des jeux d’éclairages et de flous. Portraits légendaires de stars.

Lisette Model (1901-1983)

Émigre à New-York en 1938 où grattes ciels comme passants l’inspirent. Elle recadre arbitrairement ses instantanés au tirage, créant un effet de nouveauté et de modernité. Sa première rétrospective est organisée à L’Art Institute de Chicago en 1943.

Françoise Nuñez (1957-2021)

La belle andalouse qui épousa un ami de famille, Bernard Plossu. Elle photographie en noir et blanc, au 50 mm, essentiellement en Asie et Amérique du Sud. « Je ne photographie pratiquement qu’en voyage. Quand je pars, je ne pense qu’à ça, confiait-elle en 2012 au journal La Dépêche. Je veux être réceptive à tout, loin d’un quotidien et d’endroits que je connais trop bien. J’aime l’inattendu, la surprise, l’émotion de la découverte. Et j’essaye de faire ressentir toutes ces émotions. »

Liste établie avec les suggestions de Bernard Plossu (ami et photographe) ; les catalogues « Qui a peur des femmes photographes ? » (Éditions M/O’, 2015) et « Une histoire mondiale des femmes photographes (Éditions Textuel, 2020) ; ainsi que le site del’association AWARE (Archives of Women Artists, Research and Exhibitions).